« J’insiste beaucoup auprès de mes collègues : on propose le travail, il n’y a rien d’obligatoire. Car les devoirs sont l’une des sources n° 1 de conflits familiaux, et ma grande peur quand j’envoie quelque chose, c’est que ça se passe mal pour l’enfant. Mais la plupart des parents sont bien contents qu’on les appelle.
Avec mes collègues, on était partis d’une journée à l’école… Mais une journée à la maison, ce n’est pas pareil ! On rectifie au fur et à mesure. On est presque toute la journée en contact, on en a besoin, pour se rassurer. Car on a l’impression de pédaler dans la semoule… On apprend, par tâtonnements.
Le gouvernement aussi tâtonne. Là où je ne suis pas d’accord, c’est quand ils disent que tout est prêt, que ça se passe super bien, que les parents peuvent venir chercher des ordinateurs dans les écoles… Ce n’est pas vrai ! Rien n’est prêt, à part la bonne volonté des enseignants. Les plateformes qu’on utilise, ce ne sont pas celles préconisées par l’éducation nationale. Et le Cned, c’est un programme basique. On ne peut pas appeler ça de la continuité pédagogique. L’école, c’est pas ça ! La relation humaine est irremplaçable.
On a des parents qui nous disent : “On s’en sort pas !” Avec mes collègues, on a eu une visioconférence très animée sur la question des inégalités qui vont se creuser. Mais on n’a pas de solution. On ne sait même pas si on doit maintenir le niveau ou poursuivre le programme. Si on poursuit le programme, on perd la moitié de la classe !
Est-il important de continuer à travailler ? La question mérite d’être posée. Envoyer des choses qui permettent l’épanouissement, le lien, la réflexion, la culture générale : oui. Mais ne pas chercher à tout prix à boucler les choses.
Malgré tout, de tout ça, il va sortir du bon. Quand on va se retrouver avec les enfants, je le vois comme une fête. On verra quelle chance on a d’être ensemble ! »
Un maître de l’élémentaire