Webdoc au tunnel de Tende

Un autre N-D-des-Landes ?

La petite vallée, enclavée entre la Ligurie et le Piémont italiens, a une biodiversité et des paysages exceptionnels, un patrimoine culturel fort, une agriculture de montagne dynamique… et une infrastructure ferroviaire de qualité, qu'il suffirait de réparer et entretenir pour favoriser la transition écologique. Mais la France, l'Italie et la Région PACA préfèrent pour l'instant la sacrifier au transport routier.

LA ROYA - TUNNEL DE TENDE

REPORTAGE

Fontan, village de 350 âmes

Chaque jour de la semaine, plus de 400 poids-lourds passent par ici.

La qualité de l’air est moyenne, voire médiocre, une grande partie de l’année, et les maisons qui donnent sur la rue se vident – aux périodes de pointe, impossible d’y vivre en ouvrant les fenêtres.
« Les camions passent à 3 mètres des façades, constate Philippe Oudot, le maire qui tient aussi le bar du coin. Leur poids cause de gros dégâts sur nos canalisations d’eau. »

Le tunnel du col de Tende

En 1882, le royaume d’Italie achevait de percer le tunnel du col de Tende, qui était à l’époque, avec ses 3 000 mètres, le plus long du monde. C’est par ce tunnel que les camions venus d’Italie débouchent dans la vallée de la Roya, empruntant une route dont « les arches en pierre ont été construites pour les diligences, et pas pour les camions », répètent à l’envi les habitants

UN PAVE DANS LA MARE

En janvier, les maires de Fontan et de Breil-sur-Roya, la commune voisine, ont jeté un pavé dans la mare en adoptant un arrêté limitant la circulation aux véhicules de moins de 19 tonnes, retoqué un mois plus tard par le préfet. Les maires des trois autres communes françaises de la vallée – La Brigue, Saorge et Tende – ont soutenu leurs collègues en signant avec eux un courrier qui s’inquiète de « l’afflux massif de poids lourds », que risque d’entraîner le doublement du tunnel de Tende, et demande une régulation du trafic routier.

Une circulation en alternance

Le tunnel percé en 1882 n’étant pas assez large pour que s’y croisent deux poids-lourds, les véhicules y circulent en alternance, avec un changement de sens toutes les demi-heures.
En 2007, un accord franco-italien a été signé pour percer un second « tube », afin de mettre l’installation aux normes de sécurité, et surtout d’instaurer la circulation à double sens.

L'ASSOCIATION ROYA EXPANSION NATURE

Elle suit le dossier depuis 2007 et mène une lutte juridique contre le projet, considérant que « ce qui sauve pour l’instant la vallée du trafic routier, c’est l’alternance. On sait que chaque fois qu’une infrastructure améliore le passage, le trafic augmente », remarque Leonor Hunebelle, administratrice de l’association.

Avec le nouveau tunnel, la vallée deviendra un axe intéressant , car direct et sans péage, pour le transport routier de marchandises entre l’Espagne et l’Europe du nord et de l’est. Cette perspective fait craindre aux opposants que la route ne soit élargie, ce qui créerait un nouvel appel d’air…

Et le train ?

Alors que les deux pays ont réussi à se mettre d’accord pour creuser un nouveau tunnel routier à 209 millions d’euros, les négociations traînent depuis des années pour organiser la rénovation de l’infrastructure ferroviaire.

Le haut de la vallée abandonné

Le protocole Transports de la Convention alpine, signé par la France et l’Italie, engage les pays à développer le ferroviaire dans les Alpes et à ne pas y construire de nouvelles routes à haut débit, en raison de la fragilité particulière de ce milieu.

Contrairement à la majorité précédente, la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, sous la présidence de Christian Estrosi, a pourtant choisi de financer le tunnel et de désengager la collectivité du transport ferroviaire, hormis en proximité des villes côtières. Des travaux sur les rails devraient permettre de rétablir une vitesse de 60 km/h sur une partie du parcours, mais sur le haut de la vallée, la Région prévoit de remplacer les trains par des bus.

200 tonnes de métal détournés sur le chantier du tunnel de Tende

Lors de mon reportage dans la vallée de La Roya, les opposants au transport routier l’affirmaient comme une évidence : les entreprises italiennes impliquées dans le chantier du second tunnel de Tende sont mafieuses. Le 24 mai, l’actualité leur a donné raison. La police italienne a opéré un coup de filet retentissant dans le milieu du BTP, racontait Nice-Matin le 1er juin. En cause : 200 tonnes de fer et d’acier, destinés à équiper la galerie du second tunnel, qui ont été revendues à des entreprises de ferraillerie de Nice et Cuneo. Le vol est estimé à 100 000 euros, et met en doute la sécurité des aménagements réalisés dans la galerie, mais aussi autour : Nice-Matin fait état d’importantes fissures dans un mur de soutènement. Entrepreneurs, chefs de chantier, ouvriers : tous les niveaux de responsabilité seraient impliqués dans le trafic. Les personnes mises en cause travaillent pour Fincosit (géant italien du BTP), Galleria di Tenda Scarl (holding créée pour le projet de tunnel) et l’Anas (agence nationale chargée des routes italiennes). Réalisé uniquement par des sociétés italiennes, le chantier d’un coût de 209 millions d’euros est financé à 42 % par la France et 58 % par l’Italie. Le procureur de la République de Nice a ouvert une enquête pour « mise en danger d’autrui » et « tromperie ». Placé sous scellés, le chantier a été stoppé pour cinq mois. Voilà qui met à mal l’argument de la sécurité avancé par les promoteurs du nouveau tunnel.

Lisa Giachino - Juin 2017

UN REPORTAGE

PHOTOS & TEXTE : Lisa Giachino / MISE EN PAGE : Lydia Robin

L'ÂGE DE FAIRE ?

DE L'ÂGE DE FAIRE

Sur le même sujet : lire le reportage sur le journal n°120 de L'âge de faire.

Voir aussi le web-doc : Roya- la Vallée rebelle

LE JOURNAL

DES INITIATIVES

Edité par une Scop, L'âge de faire relaie les initiatives visant une réappropriation citoyenne de l’économie, la création de lien social, un mode de vie plus écologique.

9, chemin de Choisy - 04200 Peipin 04 92 61 24 97
redaction@lagedefaire-lejournal.fr

concrétes

INTRO

A PROPOS

CONTACT

Numéro 120-PDF-Juin 2017
2,00€

**PDF WEB – Numéro 120 : juin 2017**

**A la rescousse du train**
C’est un moyen de transport sûr, rapide, écolo, tant pour les passagers que pour les marchandises : le train. En plus, nous héritons d’un maillage très développé de voies ferrées et de gares, jusque dans les plus petites bourgades. Or, la moitié des lignes est considérée comme « sans avenir » et pourrait disparaître dans un futur proche.

Ajouter au panier

Numéro 119-Mai 2017 — Numéro 120-PDF-Juin 2017
2,00€

**PDF WEB – Numéro 120 : juin 2017**

**A la rescousse du train**
C’est un moyen de transport sûr, rapide, écolo, tant pour les passagers que pour les marchandises : le train. En plus, nous héritons d’un maillage très développé de voies ferrées et de gares, jusque dans les plus petites bourgades. Or, la moitié des lignes est considérée comme « sans avenir » et pourrait disparaître dans un futur proche.

Ajouter au panier

Sommaire du numéro 120 – Juin :

ÉDITO : Terres agricoles et emploi “même combat”
ADN : Fichage exponentiel
Atelier paysan : Autonomie technologique
ENTRETIEN : Le renard un animal utile et traqué
Lectures : Dialogues en forêt / Roman d’anticipation écolo
Reportages : La Roya : un autre ND-des landes
BD : Des artistes à La Roya
LES ACTUALITÉS : De plus en plus sexy, Linky ?
LA LORGNETTE : Chili, foot et Palestine / Entretien avec Bernard Friot : “le salaire à vie”
FICHES PRATIQUES : Jardin : un bac à arceaux multi fonctions / des sirops maison

Lisa Giachino - Juin 2017

Numéro 120-PDF-Juin 2017

Articles dans la même catégorie

Laisser un commentaire