
Cécile Dalnoky – L’abeille de la cité – ceciledalnoky.fr
C’est en écoutant une interview d’Olivier Darné, artiste et producteur d’un fameux « miel béton », que Manuelle Campos s’est lancée dans l’écriture et la composition de sa chanson « L’abeille de la cité ». Et c’est au détour d’une brève sur le Jardin des altérités, lue dans L’âge de faire n° 204 sur les migrations, qu’elle nous en a transmis le texte, l’illustration de sa fille Cécile, un enregistrement, la grille d’accords et même la partition !
Le dispositif d’Olivier Darné et de son « parti poétique », fait vivre des abeilles en ville, notamment à Saint-Denis. Elles œuvrent ainsi à la « pollinisation entre habitant-es », en plus de faire un miel reconnu gustativement. Le tout « met en écho » le « silence des ruches qui meurent au fond des forêts », ce « drame des apiculteurs » (extraits d’une interview sur France Culture).
« C’était quelques années après le second tour Chirac-Le Pen », se souvient Manuelle. L’histoire de ce miel la touche alors particulièrement. De son père, arrivé d’Espagne en France à 12 ans et de sa mère, juive, qui bien des années après guerre attrapait encore des « sueurs glacées de terreur » quand on venait à l’appeler par son véritable nom de famille, Manuelle s’est vite sentie révoltée contre l’« amour de la haine ». « Tout est dit dans la chanson. L’important est l’incroyable métaphore de l’écologie et des migrations que porte ce miel qui gagne tous les concours et qui est nourri de fleurs qui viennent de partout. Le contraire de ce qu’on veut nous faire croire, que les autres nous empoisonnent. »
Manuelle vit de ses arts depuis un paquet d’années – avec plusieurs livres publiés chez des éditeurs indépendants, des livres-disques et des disques – elle qui a commencé à 18 ans dans les café-théâtres parisiens avant de bourlinguer, notamment en voilier à travers le monde, puis de s’installer en Bretagne, près de Paimpol. Autrice, poétesse, compositrice, chanteuse, elle a animé divers ateliers, tout en jouant ses spectacles. Ses thèmes ? « À peu près les mêmes que tout le monde. Beaucoup l’amour évidemment, ses désespoirs, ses délices. » Mais aussi les luttes écologiques, sociales, politiques, à travers des exemples du quotidien. Son engagement « se dit, sans être frontal ». Aujourd’hui, elle fait tourner son petit dernier : De guerre et de safran, où elle parle « clairement des fachos », mais aussi d’amour, de commerce des roses (avec une dédicace à une infographie publiée dans nos pages)…
Dans sa maison baptisée Ker Queer, Manuelle continue à créer mais aussi à s’investir dans une association de soutien aux migrant-es. Elle a contribué à mettre en place la semaine « Les mots de l’exil » : rencontres, ateliers, projections et surtout liens avec les lycées, pour tenter de « sortir de l’entre-soi ». À 75 ans, l’art continue d’être son moyen de témoigner. Une citation de Guy Debord l’accompagne sur toutes les scènes : « Le pouvoir a besoin de tristesse parce qu’il peut la dominer. La joie, par conséquence, est résistance, parce qu’elle n’abandonne pas. La joie, en tant que puissance de vie, nous emmène dans des endroits où la tristesse ne nous mènera jamais. »
Quelle version écouter ?
Sur l’internet mondial, ne cherchez pas plus loin qu’ici ! Vous ne trouverez pour le moment que ce joli enregistrement, envoyé par Manuelle pour L’âge de faire :
Manuelle serait ravie que sa chanson soit interprétée par des chorales militantes. Elle a accepté de nous transmettre la partition, ainsi que la grille d’accords, avec la tablature de l’accord Dm 6-9, “que des guitaristes peuvent ne pas connaître”.
L’abeille de la cité
Paroles et musique Manuelle Campos
Les ruches de la cité bourdonnent dans l’été
Posées sur les toits des maisons
Grandes maisons carrées, cubes gris entassés
Mais là haut coule le miel béton
Qui l’eut cru dans cette rue
Se cachent mille fleurs sucrées
Qui l’eut cru derrière la rue
Se cachent de tous petits vergers
L’abeille de la cité n’a pas loin à chercher
Elle vole de balcons en balcons
Les fleurs de la cité ont beaucoup voyagé
Elles viennent de Grozny de Canton
Qui l’eut cru…
Les graines ont voyagé aux semelles des souliers
Dans tous les plis des pantalons
Puis elles se sont cachées dans le creux d’un pavé
Y ont fait le lit de leur maison
Qui l’eut cru…
L’abeille de la cité butine dans l’été
Fleur de Serbie ou du Gabon
Dans le petit verger bourdonnent les cerisiers
Sur le toit coule le miel béton
Qui l’eut cru…
Les ruches de la cité bourdonnent dans l’été
Posées sur les toits des maisons
Grandes maisons carrées, cubes gris entassés
Mais là-haut coule le miel béton









