Comme d’autres services publics (Poste, rail), le secteur de l’énergie subit les injonctions néolibérales de la Commission européenne : la production et la distribution d’électricité doivent être soumises à la concurrence, avec l’entrée d’acteurs privés. Le projet Hercule se conforme à cette logique et se traduirait par l’éclatement d’EDF en trois pôles : le pôle « Bleu », nucléaire et thermique (charbon, gaz) resterait public à 100 % ; les activités du pôle « Azur » (barrages), et du pôle « Vert » (réseau de distribution et énergies renouvelables) seraient privatisables.
Le bilan de la libéralisation du « marché » de l’énergie est négatif. Contrairement aux promesses de ses défenseurs, l’ouverture à la concurrence n’a pas entraîné une baisse des prix de l’électricité qui ont augmenté de plus de 60 % depuis 2006 (au lieu de 20% pour l’ensemble des prix). En second lieu, la logique marchande entraînera la disparition des tarifs réglementés et reléguera au second plan les objectifs sociaux. Les usagers subissent déjà la jungle des fournisseurs privés et des offres opaques.
La France déjà en retard
Hercule présente deux menaces majeures, pour notre souveraineté énergétique et notre capacité à piloter la transition énergétique. La gestion des réseaux de distribution d’électricité pourra être confiée à des opérateurs étrangers. La Chine a déjà fait part de son intérêt pour les réseaux européens. Face à ce risque de perte de contrôle, les collectivités locales se sont déclarées hostiles au projet Hercule. Privatiser les énergies renouvelables (EnR) revient à renoncer à une politique publique dans ce secteur stratégique où la France est en retard : la part des EnR dans la consommation d’énergie était en 2018 de 16,6 %, contre 18,9 % dans l’Union européenne. La gestion de l’énergie hydraulique par des opérateurs privés porterait un coup fatal à la coordination des barrages nécessaire pour adapter la production d’électricité verte au caractère intermittent des EnR, solaires et éoliennes.
Au total, ce projet est incompatible avec les objectifs sociaux, écologiques et démocratiques de la transition énergétique. Si la mobilisation de la société est insuffisante, Hercule risque d’être adopté par le Parlement français cette année.
Dominique Plihon, Économiste Atterré