Il a été difficile de se souhaiter une bonne année sans arrière-pensée. En dehors du cessez-le-feu qui permet à la population de Gaza de souffler après 471 jours de guerre, les nouvelles du monde sont plombantes. Donald Trump, réélu président des États-Unis, vient de prêter serment à grand renfort de promesses glaçantes : expulsion de « millions d’étrangers » et militarisation de la frontière avec le Mexique, forages à gogo de puits de pétrole et de gaz, non-reconnaissance des minorités sexuelles…
Pendant ce temps, au Forum économique mondial de Davos, les grands patrons ne s’inquiètent que de l’impact qu’aura sur leurs affaires l’augmentation des droits de douane aux États-Unis. Le basculement vers l’extrême-droite que nous vivons est intimement lié à l’augmentation exponentielle de leur pouvoir, reposant sur l’extractivisme. Lors de son investiture, les hommes les plus riches du monde se tenaient derrière Donald Trump. Parmi eux, Elon Musk, à la tête de SpaceX et Tesla, a été promu membre de l’administration des États-Unis.
Dans son nouveau rapport, l’ONG Oxfam montre que la fortune des milliardaires a augmenté trois fois plus vite en 2024 qu’en 2023. 60 % de cette fortune « provient d’héritages, de liens de connivence, de pratiques relevant de la corruption ou de situations de monopole. Le colonialisme, qui a considérablement bénéficié aux personnes les plus riches, a laissé sa marque sur notre monde ». Ainsi, « 1 % d’ultra-riches basés dans les pays du Nord siphonnent la richesse des pays du Sud à un rythme de 30 millions de dollars par heure ».
Notre pays n’est pas en reste : Emmanuel Macron prétend que les peuples colonisés (anciens et actuels) (1) devraient être reconnaissants envers la France, et des personnalités d’extrême-droite exultent à chaque énormité de Trump. Leurs propos sont matraqués dans les médias achetés par Vincent Bolloré, qui a bâti sa fortune en exploitant les ressources du continent africain. Pendant ce temps, les inégalités se creusent : en France, en 2023, l’inflation a pesé deux fois plus sur le niveau de vie des 20 % les plus pauvres que sur les 20 % les plus riches.
Tandis qu’aux plus hauts sommets le cynisme, la bêtise et l’avidité ne semblent plus connaître de limite, nous sommes des millions, à la base, à tisser des solidarités collectives. Quelques exemples : côté anar, le Forum civique créé par les communautés Longo Maï s’engage aux côtés des personnes en migration, touchées par les guerres et exploitées dans l’agriculture industrielle. Il intervient notamment dans le Sud de l’Espagne et de la France, en Europe de l’Est, et soutient des paysans palestiniens (2).
Du côté des catho, les bénévoles du CCFD-Terre Solidaire travaillent avec des associations locales un peu partout dans le monde, notamment sur la souveraineté alimentaire (3). L’organisation plaide pour l’annulation de la dette des pays du Sud et contre les abus des multinationales. Au sein du Forim, le « réseau des diasporas solidaires », une quarantaine d’organisations revendiquent l’égalité de droits, en France, pour les personnes issues de migrations, tout en soutenant des projets dans leurs pays d’origine. Citons aussi, dans la mouvance des groupements d’achats et du commerce équitable, les échanges avec les producteurs d’agrumes de Sicile (4), les zapatistes du Mexique (5), les paysans et potiers palestiniens… Ces ponts jetés entre les peuples sont plus précieux que jamais, et nous sommes déterminés à leur donner de la voix.
Lisa Giachino
1- Récemment, il s’est emporté d’une part contre les pays africains qui ont demandé le départ de l’armée française, et d’autre part contre des habitant·es de Mayotte qui le huaient. 2- Lire notre dernier numéro. 3- L’âdf n°109, juin 2016, sur le Paraguay. 4- L’âdf n°201, déc. 2024. 5- L’âdf n°167, nov. 2021.