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De joyeuses luronnes qui collectent des bonnes fausses nouvelles dans les manifestations et festivals, puis les crient dans la rue : ce sont Les Crieuses d’Utopie.
« Le troc est redevenu monnaie courante : vous pouvez désormais payer vos impôts avec des poireaux ! » ; « Plus de propriété privée, sauf pour les briquets ! » ; « l’Arctique se recongèle » ; « La France rapatrie ses troupes militaires de l’étranger et finance leur reconversion en marionnettistes de rue, troubadours et maraîchers ! » Surtout, ne bougez pas, dans un instant, le reste de l’actualité présenté par les Crieuses d’utopie…
Ces bonnes fausses nouvelles, c’est sûr, vous ne les trouverez pas dans la bouche d’un suppôt de l’info télévisé. Mais plutôt dans celles des Crieuses d’utopie, qui vadrouillent dans les festivals ou les manifs pour jeter leurs infos pas déprimantes à la criée. « L’idée, c’est d’aller vers les gens pour savoir ce qu’ils rêvent dans la presse de demain », explique Audrey. « Et de savoir comment on fait pour faire passer un truc, rouvrir les imaginaires, imaginer le futur, à l’inverse des programmes de politiques », ajoute Lulu, une copine de criée.
Exercice satirique
À la place des débats entre roquets énervés et des reportages sur l’insécurité, qu’est-ce qu’on rêverait d’entendre à la radio, de lire dans les journaux, de voir à la télé ? L’idée a tout d’abord germé au tiers-lieu Sainte-Marthe, situé à Grasse, dans les Alpes-Maritimes, avec des ateliers d’éducation populaire ou en essayant de décortiquer des articles de la loi sécurité globale. Mais c’est dans le train qui les menaient en manif à Nice, en février dernier, que les Crieuses décident de franchir le pas. Une idée de Lulu. « Je me suis dit, y’en a marre, on va encore marcher comme des clampins avec des pancartes. Allez, on fait un truc ! »
Installées dans la rue, les Crieuses interpellent les manifestants et leur demandent d’imaginer les actualités qu’ils aimeraient entendre. Ensemble, tout le monde cogite à un bon titre de une. Avant de récolter toutes ces utopies réalistes dans une boîte et de les diffuser à la seule force des cordes vocales. Tout le monde peut participer. L’exercice est satirique, mais périlleux. Pas si facile de rêver et d’exprimer ses idées. « La criée, c’est un moment solennel et festif. Ce que j’aime trop, c’est discuter avec les gens, construire un truc ensemble et libérer leur créativité », poursuit Lulu.
Pauvre Brigitte
Certains sont même carrément drôles ou trashs (voire les deux). Parfois, ça cause des vaccins ou d’autres sujets corsés. Dans la boîte, certains glissent des pépites. « On n’est pas d’accord avec tout, mais on a pris le pari de tout dire », raconte Audrey. « Ça permet de créer le débat aussi ! », continue Lulu. Les Crieuses d’utopie se revendiquent comme un média du futur. L’âge de faire les a d’ailleurs rencontrées en juin dernier lors des Assises transnationales et intergalactiques de la presse libre satirique et indépendante, organisées par le journal niçois Mouais (1).
C’est lors du début de soirée de ce festival que l’on a vu débarquer la joyeuse bande, armée d’un mégaphone, de cuillères, de casseroles, d’un panneau « Dream News » et de bandeaux de pirates bricolés avec du papier alu. Ça suffisait pour leur ouvrir grand les bras du petit monde de la presse alternative. « Lors de cette première manif, on était dans le cortège, mais on ne criait pas assez fort. On nous a mis un mégaphone devant la bouche et c’était le Mouais ! » Car au départ, les premières Crieuses ne se sentaient pas tout à fait légitimes pour gueuler dans la rue. « J’étais un peu stressée, mais avec les gens qui applaudissent et qui sont heureux, tu te lances dans le truc et ça te donne envie de crier encore plus fort », s’amuse Manon.
Clément Villaume
1 – Mouais est un « journal dubitatif…Quoique ». C’est des copains de la presse pas pareille, alors filez vous abonner sur mouais.org ou par courriel à contact@mouais.org !