En imposant le pass sanitaire aux adolescent·es de 12 à 18 ans, le gouvernement place ces jeunes au pied du mur : soit ils décident de se faire vacciner, soit ils doivent renoncer à la pratique de leurs activités extra-scolaires. Le tout pour un bénéfice individuel très discutable, et un intérêt collectif au mieux très limité.
Célia (1), 13 ans, peut entrer au collège sans présenter de pass sanitaire. Tout comme Tim (1), qui a un an de plus.
Les deux ont pourtant décidé de se faire vacciner, avec l’accord de leurs parents. « Ce n’est pas que ça me réjouissait vraiment, explique le père de Célia. Mais elle fait de la natation depuis plusieurs années, elle s’investit beaucoup dans ce sport, ça fait partie de son équilibre. Je lui dis quoi ? Qu’elle doit arrêter parce que je refuse qu’elle se fasse vacciner ? » Tim, pour sa part, est un fondu de basket. L’année dernière, il a intégré une section sport-études pour bénéficier d’horaires aménagés et pouvoir pratiquer sa passion tous les jours. Allait-il tout abandonner pour échapper au vaccin ?
« On n’était pas vraiment opposés à le faire vacciner, mais on n’était pas pressés de le faire non plus, résume son père. Puis on a reçu un courrier de la ligue de basket qui nous expliquait que le pass devenait obligatoire, et ça a été réglé : pour lui, c’est tout simplement inimaginable d’arrêter le basket ! »
Dans ces deux familles, le discours est plutôt favorable à la vaccination, ce qui a facilité le « choix » des enfants. Mais celui-ci se fait plutôt par défaut, et ressemble à s’y méprendre à une obligation vaccinale. Car aucune alternative n’est réellement proposée. L’option des tests antigéniques, deux à trois fois par semaine ? Déjà peu envisageable sur le long terme, cette stratégie d’évitement le sera encore moins à partir du 15 octobre, date à laquelle les tests devront être payés par l’usager lui-même.
Pour résumer, les ados doivent donc passer par la case picouse, ou faire une croix sur leurs activités extra-scolaires. Or, « l’accès aux loisirs et à la culture est un droit proclamé par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Il ne s’agit pas d’un droit accessoire mais bel et bien d’un droit essentiel au bon développement de l’enfant », signale la Défenseure des droits, dans un avis rendu le 20 juillet, à la veille de l’adoption de la loi instaurant le pass sanitaire.
« Manque d’interactions sociales »
Et puis, il y a le reste : se faire un ciné entre ami·es, s’installer à la terrasse d’un café, aller voir un match de foot… Sans pass, le champ des possibles se réduit considérablement pour cette population, à un âge où les interactions sociales sont particulièrement importantes et ont déjà été sérieusement mises à mal depuis le début de la pandémie. « La réalisation des cours par visioconférence, notamment au cours du second semestre de l’année scolaire 2019-2020, et le manque de liens et d’interactions sociales, ainsi que la baisse majeure de l’activité physique ont été mal vécus par beaucoup d’entre eux », notait le Comité national d’éthique (CNE) en juin 2021, évoquant des « conséquences profondes et durables de la pandémie sur la santé psychologique des enfants et plus encore des adolescents ». Le pass sanitaire n’était pas encore en vigueur et, pourtant, le Comité proposait déjà d’engager « une réflexion sur la préservation d’une santé globale qui ne peut se limiter à l’impératif d’une non contamination ».
Les pro-vaccination forcenés auront une réponse toute trouvée : les vaccins constituent justement l’arme la plus efficace pour éviter un nouveau confinement, permettre aux enfants de retrouver une vie sociale normale et préserver leur santé mentale. Le Conseil national d’éthique – pourtant présidé par le très vaccinophile Jean-François Delfraissy, également président du Conseil scientifique Covid-19 – se montre plus prudent. D’abord, parce que « le recul existant ne permet pas d’assurer la pleine sécurité de ces nouveaux vaccins chez l’adolescent ». Ce qui pose quand même un sérieux problème… De plus, si la balance bénéfice/risque est sans doute très positive pour les personnes âgées et/ou atteintes de comorbidité, les choses sont nettement moins claires pour les
12-18 ans. « Le bénéfice individuel direct de la vaccination pour les enfants et les adolescents est très limité », indique le Comité. Et pour cause : un enfant en bonne santé n’a pour ainsi dire aucun risque de développer une forme grave de la maladie.
Reste l’argument collectif, consistant à vacciner les mineurs pour protéger les adultes. Notons d’abord qu’il s’agit sans doute d’une bizarrerie sociétale : dans une société « normale », les adultes protègent les enfants, non l’inverse. Surtout, cette stratégie semble beaucoup moins pertinente depuis que tous les spécialistes – même ceux qui ont toujours raison et qui promettaient l’inverse – s’accordent désormais à dire, notamment depuis l’apparition du variant Delta, que l’immunité collective ne pourra finalement jamais être atteinte, même avec un taux de vaccination mondial de 100 %. Et si on foutait au moins la paix à notre jeunesse en la dispensant de pass ?
Nicolas Bérard
1 – Les prénoms ont été changés.