Le collectif Les Décarbonautes appelle à la mise en place d’assemblées de codécision dans lesquelles citoyens et élus travailleraient ensemble sur le climat et la justice sociale. Une façon de dépasser l’épilogue décevant de la Convention citoyenne pour le climat.
Écouter cet article, lu par Benjamin Huet :
Octobre 2019. Cent cinquante personnes tirées au sort se réunissent pour la première fois au sein de la Convention citoyenne pour le climat. Le président de la République leur a confié le mandat de « définir un ensemble de mesures structurantes pour parvenir à réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale ». Pendant 9 mois, les membres de la Convention s’appuient sur de nombreuses auditions pour élaborer ensemble 149 propositions, qui sont remises au président en juin 2020. Six mois plus tard, la Convention se réunit une dernière fois pour débattre des réponses apportées par le pouvoir, sur la base d’une analyse détaillée des nouvelles lois. Est-ce que ces réponses vont permettre de s’approcher de l’objectif fixé au départ ? Les membres de la Convention se prononcent par une note : 2,5/10 en moyenne. Globalement, ils estiment que « le gouvernement a dénaturé l’articulation des mesures, qui formaient un ensemble cohérent : la philosophie de leurs travaux n’est pas respectée. Cette reprise parcellaire ne permet pas de faire face à l’enjeu important de lutte contre le réchauffement climatique ».* Pour Louis-Marie Blanchard, cette conclusion décevante n’a rien d’étonnant. « C’est normal : on n’a pas levé les objections des parlementaires, observe-t-il. Pour que ça marche, il faut une codécision des citoyens et des élus ».
Louis-Marie Blanchard fait partie de Citoyennes et citoyens pour le renouvellement démocratique, qui se décrit comme « une association tiers de confiance entre élus et citoyens ». Son credo : pour répondre aux enjeux de « décarbonation de l’économie » et de justice sociale, il faut organiser des assemblées de codécision associant toutes les parties prenantes – citoyens, élus, agents des collectivités ou de l’État, associations, entreprises… C’est là toute la différence avec les assemblées citoyennes existant pour l’instant. Il ne s’agit pas de rendre des avis dont les décideurs tiendront compte… ou pas. Mais bien de mettre au point des mesures applicables, car toutes les objections auront été résolues.
« Lever les objections », c’est la base de la codécision par consentement. Quand un participant émet une objection qui l’empêche d’adhérer à une proposition collective, l’assemblée travaille à faire évoluer la proposition pour supprimer le blocage. Cela permet d’éviter le vote, souvent frustrant pour les personnes minoritaires, et d’affiner les décisions en anticipant, par exemple, leurs éventuels effets négatifs. Pour Louis-Marie, cette méthode a un autre avantage : « Les objections sont données dans la transparence. Ça évite les manipulations. »
Expérimentations locales
Avec ses animatrices et animateurs rompus à la codécision, l’association est allée voir de nombreuses collectivités locales. Sans résultat ! C’est finalement en répondant à des appels d’offres sur la participation citoyenne qu’elle a pu mettre en place ses deux premières expérimentations, à Clermont-Ferrand et Rennes Métropole. Dans les deux cas, les participant·es ont été tirés au sort, puis sélectionnés sur la base d’un questionnaire, pour avoir un panel représentatif. Une indemnité (85 euros par jour) était financée par la collectivité, comme pour un jury d’assises. « C’est important si on veut toucher un public vraiment diversifié. Sinon, il y a un biais de sélection », souligne Louis-Marie. Les citoyennes et citoyens ont ensuite été formés par des experts, ont rencontré associations, entreprises et agents des collectivités, pour enfin discuter de solutions avec les élus. « Les élus ont forcément des objections, souvent légitimes, auxquelles les citoyens n’ont pas pensé. Mais nous avons eu des résultats étonnants ! [Au conseil d’agglomération de] Rennes Métropole, il y a 112 votants. Vingt ont participé à l’assemblée de codécision – qui ne s’est pas passée dans l’instance légale, car notre constitution interdit d’y faire entrer des citoyens tirés au sort ! On a levé toutes les objections des élus, et ils ont convaincu leurs collègues de voter les propositions, avec seulement un contre et une abstention. » Même succès à Clermont-Ferrand, où a été votée « une charte opposable qui donne beaucoup de pouvoirs aux citoyens ».
Pour porter ce système au niveau national, l’association a créé un collectif élargi, les Décarbonautes, qui comprend plusieurs personnes ayant participé à la Convention sur le climat. Le collectif a été reçu par le gouvernement, mais celui-ci « n’a pas envie de jouer ce jeu, note Louis-Marie. Notre objectif est donc d’organiser une assemblée de codécision sans lui, avec les parlementaires. Même si la porte lui reste grande ouverte ! » Un appel aux citoyen·nes est donc lancé pour faire connaître l’appel des Décarbonautes, et le relayer auprès des parlementaires.
Lisa Giachino
* Avis de la Convention citoyenne sur le climat, 2 mars 2021.
> Soutenir l’appel : lesdecarbonautes.fr.
> Le 16 mai, conférence « Pour réussir le défi climatique, on organise la démocratie entre citoyens et parlementaires, tu nous rejoins ? » à l’Académie du climat, 2 place Baudoyer, Paris 4e, 18h. Détails et inscription sur lesdecarbonautes.fr.