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Amazon vit très bien la crise liée au Covid, qui a encore fait monter son chiffre d’affaires. Le géant de la vente en ligne voit arriver Noël avec gourmandise. Mais l’opposition à ces projets démentiels prend de l’ampleur.
« Nous avons décidé de reporter la date du “Black Friday” si cela permet de rouvrir les commerces et les magasins physiques avant le 1er décembre. »
Ce n’est pas le Premier ministre qui parle, mais Frédéric Duval, directeur général d’Amazon France, en direct sur TF1 lors du JT du 19 novembre. Ainsi, c’est le géant de la vente en ligne qui semble décider de la date de cette vaste opération commerciale (qui nous était encore étrangère il y a peu). L’entreprise pose même certaines conditions pour le faire, ce qui en dit long sur son pouvoir et son arrogance.
Depuis quelques années, Amazon irrite. Par son gigantisme (280 milliards de chiffre d’affaires en 2019), son impérialisme (c’est l’un des « A » des « Gafam »), son patron fou (Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde avec plus de 100 milliards de dollars de fortune personnelle)…
Mais surtout, parce que tous ces chiffres ont des conséquences très concrètes, par exemple sur l’emploi. Aux États-Unis, le phénomène étudié de près est appelé « Retail apocalypse » : 260 000 destructions nettes d’emplois dans le commerce traditionnel depuis 10 ans, alors que la consommation a continué d’augmenter. En cause, la massification du commerce en ligne, avec Amazon en premier de cordée.
Une étude états-unienne récente avance le ratio de 4 emplois supprimés pour un emploi créé chez Amazon (1). Ce qui n’empêche pas certains élus de continuer à se laisser séduire par les promesses d’embauches que fait miroiter le géant de la vente en ligne à chaque nouvelle implantation d’entrepôt.
Stopper les projets d’entrepôts
En France, la déferlante est d’ailleurs en vue : la multinationale prévoit de doubler sa surface de stockage durant l’année 2021, d’après Les Amis de la Terre. Soyons-en sûrs, ce n’est qu’un début. Les petits commerces qui auront réussi à survivre au confinement devront affronter la massification du commerce en ligne.
Amazon ne paie pas, ou presque pas, d’impôt sur les bénéfices ? Bercy cherche à « négocier », nous dit-on. Amazon échappe à la TVA ? Idem. Que compte faire le gouvernement pour aider les commerçants traditionnels ? Débloquer une enveloppe de 100 millions d’euros pour « numériser les petits commerces »…
Amazon « héberge » déjà de nombreux petits commerces – à qui il applique une commission de 15 % sur chaque vente. « Il faut qu’on accompagne ces entreprises vers la digitalisation », a expliqué le quasi-ministre Frédéric Duval, au micro de France Inter.
Alors, des résistances citoyennes s’organisent. Début novembre, à Ensisheim, dans le Haut-Rhin, un projet de méga-entrepôt Amazon a été stoppé par la mobilisation locale.
Le 7 du même mois, s’est créée une association « Stop Amazon 76 » en réponse à un projet près de Rouen. Le 17, à Montbert, près de Nantes, des opposant·es à un entrepôt de 184 000 m² ont organisé un pique-nique pour prévenir les autorités de leur opposition. Le 19, la présidente de la région Occitanie Carole Delga s’est prononcée contre le projet d’entrepôt de Fournès, dans le Gard, pour l’heure devant la justice, tout comme le projet de Saint-Priest près de Lyon.
Les opposants rhodaniens s’apprêtent par ailleurs à lancer une grande campagne contre la multinationale en s’appuyant sur plusieurs centaines de petits commerçants pour faire connaître le projet.
Une pétition en ligne
À l’approche des fêtes de Noël, un collectif a également lancé une pétition sur internet pour un « Noël sans Amazon ». Quelques heures après sa mise en ligne sur le site We Sign It, elle était victime d’une première attaque.
« On a constaté que quelqu’un avait utilisé 216 adresses IP (identification d’un ordinateur ou d’un smartphone, Ndlr) pour envoyer de fausses signatures toutes les 5 secondes. Ce qui a représenté plus de 90 000 signatures en à peine deux heures. Les 60 000 premières étaient toutes signées “Jeff Bezos”, les 30 000 suivantes “Bill Gates” ! », explique Pierre Lalu, le seul salarié – à mi-temps – du site.
Cette première attaque, qui fera l’objet d’une plainte contre X, a pu être gérée en interne. Mais quelques jours plus tard, ce sont cette fois « 3 ou 4 millions de requêtes » qui ont été envoyées en moins d’une heure, rendant la pétition inaccessible. Pour l’heure, il est encore impossible de signer la pétition hébergée par We Sign It.
Cela dit, il n’est pas indispensable de signer en ligne pour s’engager à passer Noël sans Amazon !
Nicolas Bérard & Fabien Ginisty
1 – « Retail in the U.S.: towards destructive destruction ». Étude datée du 22 janvier 2020.