Il y en a qui sont encore au XIXe siècle, nous [le gouvernement], nous sommes au XXIe siècle et nous savons qu’économie et progrès social vont de pair. » L’auteur de cette réplique, c’est le Premier ministre de « gauche », Manuel Valls, au lendemain des propositions de réforme du code du travail.
Et dans sa bouche, ceux qui sont « encore au XIXe siècle », ce sont les syndicats de travailleurs et tous ceux qui s’opposent à ce détricotage massif des protections des salariés. Directement inspirée du Medef et des propositions de la droite la plus libérale, cette réforme vise à donner plus de libertés aux chefs d’entreprises. Un salarié pourra ainsi travailler jusqu’à 60 heures par semaine, mais, dans le même temps, verra le taux de rémunération de ses heures supplémentaires diminuer. Il pourra aussi être licencié beaucoup plus facilement. Il suffit que le patron (et ses actionnaires) jugent utile, par exemple, de procéder à une réorganisation de la boîte, « nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité », et hop ! Le salarié gênant, pas assez productif, pas assez malléable, trop turbulent, ou dont la nouvelle coupe de cheveux ne convient pas au patron, pourra se faire virer.
Officiellement, bien sûr, il s’agira d’une « réorganisation » ou d’une adaptation aux « mutations technologiques ». Et puis, si la direction n’a pas envie de s’embêter, elle pourra toujours le licencier « sans cause réelle et sérieuse », cela ne lui coûtera pas bien cher : au-delà de 20 ans de boîte, les indemnités de départ ont été plafonnées à quinze mois de salaire.
Un parachute qui n’a vraiment rien de doré. Et ce n’est là qu’un aperçu des régressions sociales engendrées par ce projet de loi.
Gérard Filoche est plutôt bien placé pour parler du sujet : il est membre de la direction du parti « socialiste », et a exercé la profession d’inspecteur du travail. Dans une interview accordée au journal L’Humanité, il indique qu’il s’agit d’une « bombe thermonucléaire contre l’ancien Code du travail. Depuis un siècle, le droit du travail s’est construit pour protéger les salariés contre les exigences des entreprises et de l’économie. Et voilà qu’ils font l’inverse, ils nous ramènent au statut de loueurs de bras, de tâcherons, de soumis sans droit ».
Le pire, c’est sans doute que ce gouvernement vend sa réforme au nom de l’emploi. Or, rappelle Filoche, « il s’agit de faire travailler plus ceux qui ont un travail au détriment de ceux qui n’en ont pas. L’ampleur du mensonge est fracassante ». Celui qui est toujours membre du parti « socialiste » estime que « tout syndicat devrait immédiatement appeler à descendre dans la rue. On est à l’os, il est vital de se défendre ».
Mais pour se défendre, on ne peut guère compter sur les députés, quand bien même ils seraient une majorité à s’opposer à ce texte : le premier ministre a déjà laissé entendre qu’il était prêt à utiliser le 49-3 pour faire passer la réforme sans vote à l’Assemblée. Seul moyen de faire face, donc : surveiller les manifestations qui s’organisent près de chez soi et aller battre le pavé.
En attendant, faute de mieux, L’âge de faire a décidé de ne plus s’encombrer de guillemets, car les doutes ne sont plus de mise : le gouvernement Valls n’est pas un gouvernement de gauche entre guillemets, mais un gouvernement de droite libérale – sans guillemets aucun.
Nicolas Bérard