Est-on nécessairement pro ou anti-vaccin ? Non ! Alors que tout concourt à nous enfermer dans ce choix binaire, il convient au contraire de sortir des dogmes, voire de la religion vaccinale, pour s’autoriser à poser les bonnes et légitimes questions.
La vaccination constitue le genre de dossier dans lequel on se lance un peu à reculons. Il faut avancer entre, d’un côté, les « anti » forcenés prêts à lapider la première seringue venue. Et de l’autre, les « pro », adorateurs de Pasteur, vouant un inébranlable culte à la vaccination. Et entre les deux, il y a, a priori, surtout des coups à prendre. Tant pis ! L’âge de faire a enfilé son casque bleu pour s’installer sur la ligne de front. Car c’est précisément ici que devrait se situer la discussion : ni opposition de principe, ni confiance aveugle. Bien au contraire ! D’ailleurs, même si nous n’entendons que ceux qui gueulent le plus fort, certainement sont-ils en réalité minoritaires. Ce qui est, somme toute, parfaitement logique.
À la question « Aimez-vous les pizzas ? », je réponds « oui », sans hésitation. Mais j’ai les anchois en horreur. Ma copine adore mais est sensible au gluten et renoncera à en manger si la pâte contient de la farine de blé. Mon pote s’en régale mais est vegan et refusera de croquer dans une « trois fromages ». Quant à son frère, allergique à la tomate, il a dû faire une croix sur la margarita sous peine de finir aux urgences. Est-ce que cela fait de nous de dangereux ennemis de la sainte pizza ?
C’est, grosso modo, à ce niveau que se situe le débat autour de la vaccination. Avec cette circonstance aggravante que, si l’État ne vous fera jamais ingurgiter de force la moindre calzone, il impose en revanche de se faire vacciner contre 11 maladies (lire p.7). Pourtant, si vous osez réclamer un vaccin sans anchois (ou sans aluminium), on aura tôt fait de vous traiter d’« horrible antivax complotiste ».
« Posture complotiste »
Ces derniers existent-ils vraiment, d’ailleurs ? « Je fais des conférences un peu partout, alors j’en rencontre forcément, explique Didier Lambert, président de l’association E3M qui lutte contre les adjuvants aluminiques (lire p.8 du journal). Mais ils représentent une toute petite minorité. » Les « antivax » servent surtout d’épouvantails, comme nous l’explique la philosophe Angélique del Rey (lire p.6 du journal). Vous souhaitez émettre une critique, un doute, une nuance sur les bienfaits d’un vaccin ? Prendre en compte les milliards d’euros qui sont en jeu autour de cette pratique (lire p.7 du journal) en admettant que cela peut orienter une politique vaccinale ? Suggérer des alternatives à la picouse systématique ? Prenez garde de ne pas dépasser les bornes fixées par la pensée dominante, sans quoi vous serez cloués au pilori.
Michèle Rivasi en a fait par exemple les frais. Son tort ? Une attitude critique vis-à-vis de certains vaccins. En 2017, la députée européenne décide d’organiser « un débat pluraliste sur la politique vaccinale » au Parlement européen. Elle y convie un représentant de la Commission européenne et un représentant de l’OMS – qui vont porter la voix « officielle » – ainsi qu’un certain Andrew Wakefield. Impardonnable faute ! Car ce dernier est, certes, un ancien chirurgien et chercheur. Certes, il a publié une étude dans la prestigieuse revue The Lancet sur un lien possible entre certains vaccins et l’apparition de troubles autistiques. Certes, il a également réalisé un documentaire sur le sujet, Vaxxed (1), et était invité en tant que tel. Oui, mais voilà. Il semblerait que les résultats de son étude étaient faux (2) et que ce Wakefield n’est pas quelqu’un de très fréquentable. Michèle Rivasi, d’ailleurs, reconnaît que cette invitation était « une erreur ». Trop tard : l’élue se traîne, depuis, une étiquette d’antivax. Le Point évoque ainsi « sa posture complotiste », dénonce ses positions qui « semblent tenir plus du champignon hallucinogène que de la science ». Et lorsque Rivasi obtient une interview du magazine pour répondre à ces attaques, la rédaction met en titre de l’entretien : « On a tenté de dialoguer avec Michèle Rivasi ». Comme si elle ne faisait déjà plus vraimentpartie des êtres doués de raison…
Du pus ou de l’ARN messager ?
Revenons-en à nos pizzas. Ou plutôt à nos vaccins. Est-ce que, finalement, se dire « pour » ou « contre la vaccination » a vraiment un sens ? Peut-on mettre dans le même sac, par exemple, les premiers vaccins contre la variole et ceux de 2020 contre le coronavirus ?
Les premières pratiques vaccinales seraient apparues en Afrique. Pour se protéger d’une variole trop virulente, on prélevait un peu de pus sur un malade et on se l’appliquait sur une incision. Si tout se passait bien – ce qui n’était pas toujours le cas –, la personne s’en sortait avec une forme amoindrie de la maladie. Mais les puristes vous diront qu’il s’agit là d’une « inoculation », ou d’une « variolisation ».
Le premier vaccin, le vrai, est inventé à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre. Un médecin de campagne, Edward Jenner, remarque que les fermières qui traient les vaches subissent moins de cas graves de la variole. Elles sont en revanche atteintes d’une autre maladie à pustules, qu’elles attrapent sans doute sur les pis de vaches elles-mêmes infectées par la « vaccine », la variole des vaches. L’idée, c’est qu’en injectant un peu de cette vaccine chez l’être humain (d’où le nom de vaccination), celui-ci se prémunit d’une forme grave de la variole. Les résultats sont concluants : à Londres, au début du XIXe siècle, la mortalité due à la variole passe de 3000 par an à 600 par an. Le concept de la vaccination est lancé.
Deux siècles plus tard, l’entreprise Pfizer propose un vaccin à « ARN messager ».
Autrement dit, la seringue contient uniquement le code génétique de l’antigène. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose qu’un peu de pus prélevé sur le pis d’une vache malade… Dès lors, doit-on nécessairement avoir le même point de vue sur l’un et l’autre ?!
« C’est de la théologie ! »
Citons un professeur réputé : Didier Raoult. Que les choses soient claires : il n’est pas notre gourou, ce qui ne l’empêche pas d’être un scientifique reconnu, et attachons-nous surtout à la pertinence de ce propos-ci : « Lors de mes conférences sur les maladies infectieuses, j’ai l’habitude de poser à mes étudiants cette question : “Êtes-vous pour ou contre les vaccins ?” Bien sûr, c’est un piège. M’assimilant au clan des progressistes et pensant donc me faire plaisir, la plupart votent “pour”. Quel n’est pas leur étonnement lorsque je leur dis : “Je ne suis pas d’accord”. Je leur explique alors que l’on ne doit pas répondre à une question idiote. La vraie question, c’est : “Êtes vous pour tel vaccin, administré dans telles conditions, à telle population, à tel endroit et à tel moment ?” Seule cette interrogation est scientifique. La question virtuelle “pour ou contre les vaccins ?” n’a pas d’intérêt. » (3)
Un autre professeur réputé, Romain Gherardi, confirme cette vision des choses : « D’une façon générale, chaque vaccin a ses qualités et ses défauts propres. Bien sûr, il est plus difficile de travailler vaccin par vaccin, et de prendre chacun pour ce qu’il est. Mais idolâtrer Le vaccin, c’est une croyance, c’est de la théologie. Et refouler les vaccins en bloc, c’est aussi de la théologie. Je milite pour quelque chose de plus subtil, plus fin, plus ouvert au débat démocratique. »
Selon l’OMS, la vaccination permet de sauver la vie de 2,5 millions de personnes par an. Ça n’empêche pas que c’est bien meilleur sans anchois.
Nicolas Bérard
1 – Documentaire très sensationnaliste. Nous ne vous le recommandons pas particulièrement.
2 – Des études récentes semblent néanmoins établir un lien entre l’aluminium contenu dans les vaccins et l’apparition de troubles autistiques, lire p.8.
3 – La vérité sur les vaccins, de Didier Raoult et Olivia Recasens, 2018, éd. Michel Lafon.