La commune de Dolus d’Oléron refuse l’implantation d’un McDonald’s sur l’île. Son maire ne manque pas d’arguments, et préfère construire une Zad, « Zone d’Alimentation Durable », sur le territoire.
« Monsieur le maire, nous, les tomates, on les prend calibrées. »
Voilà ce qu’a répondu le directeur des relations institutionnelles de McDonald’s France à Grégory Gendre, le maire de Dolus d’Oléron, quand ce dernier a tenté de discuter avec la multinationale qui veut s’implanter sur l’île. Pour l’approvisionnement local en tomates, il n’y a donc pas moyen de négocier.
Mais pour Grégory Gendre, il n’y a pas non plus moyen de négocier avec la transition écologique :
Fin de la discussion ! Ils vont te vendre des tomates insipides d’Espagne, qui ont poussé hors-sol sous serre, puis ils vont t’expliquer que leurs tomates sont durables parce que les serres sont chauffées avec la décharge du coin ?
Nous, ce modèle de développement, structurellement, on pense qu’il n’est pas bon.
En 2014, Grégory Gendre a été « élu pour ça »: une transition écologique et populaire. Il a fait campagne sur l’opposition au projet d’implantation d’un McDonald’s sur l’île, projet soutenu par l’ancienne municipalité, et il a gagné dans les urnes. Il a donc naturellement refusé de délivrer le permis de construire sollicité par la multinationale. Cette dernière a fait jouer la liberté d’entreprendre dans la balance de la justice administrative, qui lui a donné raison en septembre 2017.
«
Ou bien on est en transition et on se sort les pognes des poches, ou ce n’est que de l’affichage politique et tout le monde s’en branle. Moi, je suis maire, pas communiquant d’une enseigne.
La municipalité a fait appel. Le jugement sera rendu à la mi-octobre. En attendant, l’élu se désole qu’en l’état actuel des lois, son argument le plus solide face aux juges soit lié à « l’incongruité » du plan de circulation des voitures proposé par la firme.
Faute de lois adaptées, aucun argument environnemental ne semble pouvoir convaincre les juges.
« De la javel culturelle »
Quant à l’argument de l’emploi, brandi par les « pro-McDo », Grégory Gendre n’en démord pas : « Les deux snacks de l’île embauchent aujourd’hui une douzaine de personnes. Si McDo ouvre, ils fermeront boutique. Donc à la place, on aura des “emplois McDo. On sait ce que ça implique (lire par ailleurs), mais cela aura aussi un impact sur les producteurs locaux qui travaillent actuellement avec les snacks».
L’élu voit un autre effet délétère, peut-être le plus sournois :
L’uniformisation culturelle : les snacks actuels sont des endroits d’échanges sur la vie locale, des relais d’information pour les événements locaux. Vous avez déjà vu l’affiche d’une animation culturelle sur la vitrine d’un McDo ? Ils l’interdisent. McDo, c’est de la javel culturelle.
Le maire a médiatisé l’affaire, et se réjouit du nombre de courriers de soutien qu’il reçoit. Contre le McDo, mais aussi pour le projet alternatif que la commune est en train de mettre en place. «L’île manque cruellement d’un endroit où les jeunes puissent se poser, manger quelque chose, où il y a le Wifi», ce qui fait aussi le succès de la chaîne mondiale de « restaurants ». C’est à partir de ce constat que la municipalité a initié, dès 2014, un vaste projet sur un terrain communal, ancien domaine agricole laissé en friche.
« Aujourd’hui, le projet a bien avancé, on recrute un coordinateur grâce à des financements de la Région liés à la mise en place d’un tiers-lieu ».
Sur les 4 hectares de « la Cailletière », devraient voir le jour un espace-test, une chambre froide et des bureaux pour les agriculteurs de l’île. Sont également prévus des jardins partagés et un skate-park. Dans les locaux en cours de réhabilitation s’installeront prochainement les Restos du Cœur. Ils rejoindront les activités déjà présentes : une compagnie de cirque, un atelier de réemploi de palettes, ainsi qu’un collectif de citoyens qui organisent des événements culturels pour tous.
Et bien entendu, ce lieu permettra aussi de se nourrir à des prix accessibles, avec de bons produits et… « en disposant du wifi gratuit à volonté » précise la commune.
Au MacDol (1), « venez comme vous êtes » (2), même si vous n’êtes pas calibrés !
Fabien Ginisty
1 – MacDol : c’est l’abréviation du « Mouvement pour une alimentation citoyenne à Dolus », pour appuyer l’action de la municipalité.
2 – « Venez comme vous êtes » : c’est un des slogans publicitaires de McDonald’s.
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Sommaire du numéro 134 – Octobre 2018 :
- EDITO : Le mythe de l’économie circulaire
- Auto-stop : Passionnés du pouce en l’air
- Propagande : Dans ton clip, Riton !
- Chasse : Un lobby très puissant
- Tënk : La coopérative qui soutient le ciné documentaire
- L’appel des coquelicots
- Infographie : L’empire McDonalds
- Les actualités : Sauvetage en Méditerranée : les atermoiements de l’Europe
- Moustiques OGM au Burkina Faso
- GRRR ONDES : Les rats ennemis de la téléphonie mobile
- Reportage en Equateur, des logements sociaux en bambou
- Jardin : La mâche / Choisir ses poules / Arbousier et argousier
- Jeux avec des allumettes / Mots croisés
- Livre pratique
- Fiche pratique : reconnaître les oiseaux
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