Présenter un QR code pour aller au cinoche, à la bibliothèque, boire un café en terrasse… Ce flicage est-il définitivement derrière nous ? Pas du tout : le pass vaccinal n’est à ce jour que suspendu, non supprimé. Reprise de l’épidémie de Covid ? Apparition d’une autre pandémie (on parle de la variole du singe depuis quelque temps) ? Autre prétexte ? La réinstauration du système de traçabilité des humains – dont l’efficacité dans la lutte contre la propagation du virus n’a jamais été démontrée – représente à l’heure actuelle plus qu’une éventualité, une quasi-certitude.
On voit d’ailleurs, d’ores et déjà, ces QR codes dépasser le rôle qui leur avait été attribué en période de Covid. Dans les deux exemples que nous allons évoquer, cela se fait au nom de l’écologie. Et cela se fait justement dans des espaces qui symbolisaient jusqu’alors la liberté d’aller et de venir : des espaces naturels.
Ainsi, l’accès aux calanques de Marseille demande désormais de s’organiser en amont afin de réserver son droit de passage, qui prend bien évidemment la forme d’un QR code, à imprimer – pour celles et ceux qui sont équipés d’un ordinateur, d’une connexion internet et d’une imprimante munie d’encre et de papier – ou à présenter directement sur son ordiphone – pour celles et ceux qui en possèdent un.
Une météo clémente, un besoin de nature ou de promenade, une simple envie qui passe par là et hop !, en route pour les calanques ? C’est fini. Il faut désormais planifier le coup de tête ! Et cela au plus tard la veille, jusqu’à 18 heures, afin de recevoir son Sésame numérique pour le jour J, et à condition qu’il reste suffisamment de places. Pour justifier le système, le Parc des calanques met en avant la sur fréquentation du site. Cependant l’Office du tourisme fait la promotion de « ce paysage exceptionnel et unique [qui] est un incontournable à Marseille ! » Et de poursuivre, pour celles et ceux qui hésiteraient encore à se ruer dans les calanques : « Que vous souhaitiez randonner ou simplement profiter de la nature et de l’eau fraîche, ce lieu magnifique vous comblera. » Ok, on arrive !
La dissonance atteint son comble : venez en masse (mais comme vous êtes trop nombreux, nous régulons l’accès). Afin de protéger la nature, nous utilisons le traçage numérique (et merci d’oublier que la fabrication des outils nécessaires à son fonctionnement détruit la nature à l’autre bout de la planète). Profitez bien de votre journée (des enfants congolais se chargent d’extraire le cobalt de vos ordiphones) ! Nous vous demandons juste de vous enregistrer au moins 24 heures à l’avance (afin d’avoir accès à ce lieu de liberté).
Même justification écologique, même système de gestion des flux humains dans le Vercors, et quasiment même slogan : « Réserver, c’est préserver », jure le Parc des calanques, pendant que celui du Vercors affiche « Réserver, c’est protéger » (1). Grâce à une application dédiée, les promeneurs peuvent non seulement réserver leur droit « d’entrée » – ce qui signifie en creux qu’il s’agit d’un espace clos –, mais aussi apporter leur pierre à « un programme de science participative » : smartphone en main et application Vercors Xperience dûment téléchargée, les gentils participant·es peuvent photographier les espèces rencontrées et ainsi aider les autorités compétentes à tenir à jour une comptabilité de la faune et de la flore. Ils gagnent même des cadeaux (accrobranche, balade en âne, carte postale…) en marquant des points récompensant leur participation. Mais leur score peut aussi baisser, par exemple s’ils s’éloignent trop des sentiers – la géolocalisation permettant de les pister en temps réel !
Ah, qu’on vit bien dans nos grandes démocraties qui protègent l’environnement ! Pas comme ces fous de Chinois, qui, non contents de détruire la planète, s’accommodent de l’horrible système du « crédit social » !
Nicolas Bérard
1 – Sur le sujet du Vercors, nous tirons nos informations d’un article publié par le groupe Pièces et main d’oeuvre, Vercors Xperience, la nature et au-delà (piecesetmaindoeuvre.com).