Électricien à la RATP, engagé sans jamais être encarté et chanteur de punk, Didier Wampas a toujours travaillé pour ne pas dépendre des maisons de disques et faire la musique qu’il voulait. Entretien dans les allées de la fête de l’Huma, où l’on a causé de la gauche et de ses points de retraite. Avec un invité surprise à la clé.
Tout commence dans un coin du bar du stand de la section communiste de Dieppe. Didier Wampas est au beau milieu de la foule. Leader du groupe de punk-rock éponyme, il a sorti quelques tubes comme Rimini, Manu Chao ou Petite fille. Le gaillard sourit. Il a l’air heureux ici. « Les drapeaux rouges qui flottent au vent, la fête de l’Huma tous les ans, oh oui, j’aime ! », chantait-il d’ailleurs dans sa chanson Le Costume violet. C’est vrai qu’il connaît bien. Tout petit, il y allait tous les ans avec ses parents cocos. « J’aimais bien, c’était encore un peu les vacances après la rentrée », sourit-il. Le vieux punk pas blême a vécu avec eux dans les HLM de la banlieue parisienne. Son père bossait à l’usine (un temps chez Renault), sa mère presque pareil. « Ils m’ont donné de bonnes valeurs comme le travail, même si j’en ai rien à foutre du travail, j’aime pas ça… »
Pendant 30 ans, Didier Wampas a été technicien-électricien à la RATP. Il a toujours fait les 3×8, n’a jamais pris de grade et n’a pas touché une augmentation durant tout ce temps. « Ça ne m’intéressait pas, j’ai jamais eu envie de m’investir. J’en foutais le minimum, ça ne me plaisait pas, mais il faut bien travailler. Et puis, on était dehors, il y avait une bonne ambiance avec les collègues, c’était relativement sympa. Quand c’est tes copains avec qui tu as fait les 400 coups qui sont tes responsables, ils ne te font pas trop chier… Par contre, ils ne m’ont jamais donné un jour pour que je puisse faire mes concerts. »
Libre et sans galons
Didier Wampas n’a jamais arrêté de travailler, même quand il sortait pas mal d’albums avec son groupe. « Je m’en foutais de vendre des disques, je m’en foutais de bosser. Je m’en foutais des deux côtés. Au moins j’étais libre. » Pour lui, le monde des artistes est vérolé par l’argent. « Dans les loges, on ne parle pas de musique, on ne cause que des cachets. Quand ça commence à devenir ton métier… Tu deviens fonctionnaire de la musique. Au moins, je peux dire “fuck” aux maisons de disques et faire la musique que je veux. Personne ne me demande de faire de promos, j’en vends, j’en vends pas, je m’en fous… » Dès qu’il a eu ses trimestres, il est parti à la retraite. À 50 ans. Le punk ouvrier n’a jamais voulu vivre de sa musique. D’ailleurs, il ne fait clairement pas ça pour l’argent… Pour leur concert d’une heure, chaque musicien des Wampas repartira avec 200 euros net. « J’ai la retraite de la RATP et j’ai aussi cotisé quand je faisais les concerts, donc je gagne bien, je me plains pas… »
« Je n’ai jamais signé à la CGT. Franchement les syndicats, ils sont souvent de mauvaise foi. Quand je travaillais, les responsables nous donnaient 2 jours pour accomplir une tâche que je faisais en une heure. Le reste, je me tournais les pouces. Et ben, ils se sont battus quand ils ne nous ont donné qu’un seul jour pour le faire. Franchement, ça va, on avait encore le temps de rien foutre. » Didier Wampas n’a jamais adhéré à aucune organisation, à aucun parti.
Rockstar anticapitaliste
Anarchiste alors ? « Non, le grand soir, les révolutions, ça finit toujours dans le sang, dans la violence, ça met d’autres dictatures en place, j’y crois pas. » Il a toujours voté depuis qu’il a 18 ans. D’abord Mitterrand. « On y a cru en 81 et puis tu commences à te dire qu’il n’y a pas que du bien. À l’époque de mes parents, on croyait que la RDA, c’était le plus beau pays du monde. Ça a un peu changé », se marre-t-il.
C’est vrai que le monde a changé. Didier Wampas saisit alors son portable, « un smartphone fait par des petits chinois » et passe un coup de fi l à Philippe Poutou, qui voulait le voir. Il l’attend au stand de la Palestine. Nous voilà en route pour le retrouver. Il y a une sacrée foule dans les allées crottées. « Putain, on trouve pas », lance-t-il. Et puis non, il est au stand de l’Amérique latine. L’ouvrier de Ford est affairé à prendre des photos avec tout le monde. Y a pas à chier, une présidentielle, ça rend rockstar. Moi aussi, je réclame un petit souvenir. « T’as de la chance, moi quand j’étais tout petit, j’ai croisé Georges Marchais et j’ai rien su lui dire… » On échange quelques mots et puis c’est l’heure de rentrer aux loges préparer son concert. Didier Wampas se casse. Il finit par lancer. « Oui, je suis de gauche, mais bon ça veut plus rien dire aujourd’hui. Pour moi, être engagé, c’est un truc personnel… Si chacun vivait de manière plus désintéressée, plus sincère, plus honnête, ça irait mieux ! »
Clément Villaume
Photo : L’âge de faire. DR.