Brigitte Reynaud, maire de Revest-des-Brousses, a pris un arrêté antipesticides, dans la lignée de celui de Daniel Cueff, à Langouët. Elle se dit prête à aller très loin pour que ça change. Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand. Ces villes viennent d’annoncer qu’elles ont pris un arrêté antipesticides.
Ça bouge vraiment beaucoup ! » Brigitte Reynaud est ravie de découvrir sur son téléphone (1) les tous derniers signataires. « On est 60 maires, ça commence à faire du bruit ! Et ce matin, un village du Cap Corse m’a appelée pour prendre le même arrêté que moi. J’espère qu’il y en aura 1000, 2000, très vite. »
Depuis vingt ans, elle est maire de Revest-des-Brousses, un village des Alpes-de-Haute-Provence (04), de 288 habitants. Première élue du Sud à se lancer dans la bagarre en signant son arrêté antipesticides le 12 juillet, elle a été propulsée sous les feux de la rampe. Elle ne s’est pas arrêtée là. Avec Daniel Cueff, maire de Langouët, qui avait pris un arrêté le 18 mai, et Paulette Deschamps, maire de Leperray-en-Yvelines, Brigitte Reynaud a lancé l’appel aux maires de France pour les inciter à se mobiliser (2). « Il en faut encore un petit peu, lâche-t-elle dans un sourire. On n’est pas rendus du tout. »
« Pas de pesticides à moins de 500 m des habitations »
Plus que jamais, le combat continue. Son fer de lance, dit-elle, ce sont les victimes, les sans-voix, qui « souffrent dans leur coin » et lui disent « aidez-nous ». En public et face aux médias, elle parle de Marie, morte d’un cancer suite à une exposition prolongée aux pesticides. Cette jeune femme de 20 ans habitait près d’un verger.
Énergique, pétrie de convictions, cette femme de 58 ans est « depuis toujours » engagée dans l’écologie sans être encartée. « Ça fait très longtemps que je voulais prendre un arrêté antipesticides sur ma commune, mais je n’avais pas trouvé tous les argumentaires, les textes de loi… On n’a pas le temps, ni la compétence, et quand j’ai lu l’arrêté du maire de Langouët, je me suis dit, “ça y est”. Voilà, on l’a. On le tient cet arrêté qui va peut-être faire en sorte qu’on va faire bouger les lignes partout en France et dans le monde. »
Dans son arrêté, elle interdit l’épandage de produits phytopharmaceutiques à moins de 500 mètres des habitations, bâtiments professionnels, puits de captage, sources, cours d’eau… « J’ai pris 500 mètres, car les cultures principales sont sur le haut du village. Quand l’agriculteur épand ses produits dans les champs, il ne faut pas seulement prendre en compte la dérive des gouttelettes qui tombent sur le sol mais aussi la volatilisation, c’est-à-dire les molécules chimiques qui sont dispersées par le vent et la post-volatilisation, qui se produit lorsque les agriculteurs passent dans les champs avec la herse. En cas de vent, les molécules, présentes dans la terre, sont transportées très loin. Donc l’épandage ne pollue pas uniquement les champs, ni sur les 5 ou 10 mètres après les champs, mais ça peut polluer sur des kilomètres. »
L’État « défaillant »
Brigitte Reynaud ne craint pas la suite et ne retirera pas son arrêté comme le préfet lui a demandé. « Il n’est pas illégal, martèle-t-elle. Il ne le sera que si un juge rend un jugement contre cet arrêté. Pour cette raison, le maire de Langouët fait appel pour que son arrêté ne soit pas suspendu en attendant le jugement sur le fond. » Animée par la foi du charbonnier, elle revendique un combat au nom « d’une cause juste » et d’une certitude : « On est là pour protéger les habitants et pour protéger la vie. » D’où ses critiques adressées à l’État qu’elle juge « défaillant depuis 2009. Il n’a rien fait malgré la directive européenne de 2009, qui impose aux États membres de définir un périmètre de protection proche des habitations. Là, il continue dans cette direction puisqu’il nous propose entre 3 et 10 mètres. On se demande s’ils ont bien la notion de ce qu’est un épandage, dans les champs, sur les arbres ou sur les vignes. »
Quant à la [pseudo]consultation lancée par le gouvernement, il ne faut pas lui en parler.
Je suis en colère, car ces gens-là méprisent les élus, les agriculteurs et les citoyens. C’est insupportable. J’invite les ministres de l’agriculture et de l’environnement, le président de la République, tous ceux qui peuvent être décisionnaires, je les invite chez moi. Quand l’agriculteur va mettre des produits phytopharmaceutiques sur les lavandes, ils vont tous se mettre dans le champ et attendre. Et moi, je mettrai quand même un scaphandre avec une cartouche pour bien respirer, comme le font certains agriculteurs.
Brigitte Reynaud
Un dernier coup d’œil sur son téléphone…
Ce soir, j’aurai envoyé 200 appels aux maires du 04 pour les inciter à prendre des arrêtés. On va faire pareil avec le 05 (Hautes-Alpes) et on appelle les citoyens à se saisir de notre appel (2) et à le relayer auprès de leurs maires.
Nicole Gellot
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1 – Pour suivre l’évolution des communes signataires : https://www.maireantipesticide.fr/
2 – Vous pouvez télécharger L’appel aux maires de France, en version PDF, ici.
Au sommaire du numéro 145
- Edito Jamais assez ! / Elle veut gagner la bataille contre les pesticides
- Climat Un coup de chaud ? La chaux !
- Bolivie la lutte des travailleuses domestiques / L’entretien « Tout le monde déteste Amazon »
- Doc La part sauvage de Greenpeace / BD la philo par le rire / Ma petite entreprise : la mécanique du cœur / Cinéma Tënk
- Reportage en Malaisie, au cœur de la forêt
- Petite géographie du palmier à huile
- Actu À Athènes, « Ne touchez pas à Exarcheia ! » / Grrr-ondes La belle carrière de NKM / Economistes attérrés
- Lorgnette Une matinée avec Alicia, aide-soignante à domicile / Les pêcheurs du Buëch prennent la mouche
- L’atelier Opération zéro déchet ! / Au jardin / Couture & Compagnie / Le coin naturopathie
- Forum / Mots Croisés
- Fiche pratique : faire son papier recyclé
- Maison commune
DOSSIER 4 pages : Travail social : c’est pas triste !
Le travail social, comme tous les autres, souffre des restrictions budgétaires, de la « rationalisation », de la montée en puissance des gestionnaires. Jeunes professionnelles, Maeva, Audrey et Odeline ne s’y résignent pas. Pendant six mois, elles ont visité des lieux où l’accompagnement des personnes fragiles reste ancré dans l’utopie. Nous avons conçu ce dossier avec elles, et nous vous racontons ces endroits où le travail social se construit au fil de l’humain, de façon résolument artisanale.