Fin octobre. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche a rendu sa copie concernant la réforme de l’entrée à l’université. Dès la rentrée prochaine, les étudiants se verront opposer différentes réponses à leurs vœux de poursuite d’étude.
Outre le fait d’être accepté directement, l’étudiant pourra recevoir deux autres réponses à ses demandes de formation : « oui-si », signifiant que son acceptation sera conditionnelle à l’inscription d’un parcours d’étude spécifique au préalable; « en attente », signifiant que l’étudiant a postulé dans une filière en tension et qu’il sera accepté en cas de désistement.
Comment appeler cette réforme autrement que par « sélection » ?
Rappelons qu’elle s’inscrit dans un contexte de cure d’austérité des établissements depuis que la Loi Pécresse de 2007. Cette dernière a consacré leur autonomie budgétaire. Le nombre d’enseignants- chercheurs ayant diminué et les infrastructures étant insuffisantes, les universités ne peuvent pas faire face au choc démographique étudiant.
La réponse du gouvernement n’a pas été d’augmenter (logiquement) les moyens alloués aux universités. Mais de faire le « tri » entre les étudiants.
CETTE RÉFORME ACCENTUERA LES INÉGALITÉS
Alors que l’enseignement supérieur se trouve traversé de toute part par les inégalités sociales – en termes de répartition des différentes catégories sociales par disciplines, par types d’établissement ou niveaux d’étude. Le constat est toujours le même, celui d’une reproduction et d’une légitimation de ces inégalités par le système scolaire.
Or, cette réforme ne fera que les accentuer.
Néanmoins certains publics étudiants, les plus démunis scolairement et socialement, se verront ainsi opposer une barrière à l’entrée de certaines formations, renforçant de facto leur caractère inégalitaire. De nombreux travaux de recherche montrent qu’à résultats scolaires identiques, les élèves ne font pas les mêmes choix d’orientation en fonction de leur milieu social d’origine.
In fine, cette réforme conduira à une auto-sélection des étudiants pro- venant des milieux les plus modestes. Au-delà d’une hiérarchisation des filières, la réforme va, en introduisant la possibilité pour les établissements d’introduire des spécificités locales dans la définition des attendus, créer une polarisation entre établissements.
Penser qu’afficher les « attendus » par filière permettra à tous les étudiants d’avoir les mêmes capacités à s’orienter, c’est oublier les grandes inégalités socio-économiques et culturelles qui préexistent et qui ne feront que s’accentuer avec la politique actuelle.
Sabina Issehnane et Léonard Moulin, des Économistes atterrés