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Pour contrer le monopole de Google et consorts, Framasoft met à disposition un ensemble d’applications alternatives. Celles-ci ont tellement de succès que l’association pourrait devenir un géant du numérique citoyen. Framasoft a décidé de ne pas croître et de favoriser l’essaimage de petits collectifs.
Confinement ou pas, combien sommes-nous à consommer Google matin, midi et soir ? (1) Combien sommes-nous à stocker des éléments de notre vie privée (photos, e-mails…) sur des serveurs accessibles aux publicitaires et aux agences de renseignements ? (2) À faire grossir chaque jour un peu plus le patrimoine de milliardaires ? (3)
Pierre-Yves Gosset est directeur de Framasoft, une association d’éducation populaire qui entretient la flamme de l’internet émancipateur. Ces dernières années, Framasoft a connu un succès fulgurant grâce à sa campagne « Dégooglisons internet ». Elle a mis à disposition du grand public un ensemble de services alternatifs à Google. Ainsi, nous sommes aujourd’hui plus de 500 000 à utiliser régulièrement Framapad plutôt que Google Docs pour rédiger des textes à plusieurs, à fixer des rendez-vous avec Framadate plutôt qu’avec Doodle, à partager des apéro-visio via Framatalk plutôt qu’avec Skype, etc. En mettant à disposition, en trois ans, une trentaine d’applications libres, Framasoft montre par l’exemple qu’il n’est pas si compliqué que ça de populariser des outils non marchands (sans pub) et qui respectent la vie privée. Le succès de l’entreprise – dont beaucoup de services sont saturés depuis le début du confinement – montre également qu’il y a une véritable attente des utilisateurs, de mieux en mieux informés sur les risques de la monopolisation en cours du web par les Gafam (4).
« On veut être compostables »
Succès total de l’entreprise dans laquelle s’est lancée Framasoft, donc. Grâce aux dons qui ont afflué, ses effectifs sont passés de deux à neuf salariés. La réussite est telle qu’on aurait tôt fait de prédire le « changement d’échelle pour ces porteurs de solutions ». La modeste association trouverait aisément des fonds pour devenir grande entreprise – éthique – afin d’augmenter l’offre de services alternatifs, en assurer les mises à jour, développer sa communication… devenir L’alternative à Google.
Eh bien, non : « Ce n’est pas parce qu’on marche bien qu’on veut se mettre à courir ! » Non, les salariés – et les vingt-cinq bénévoles actifs – ne rêvent pas de devenir des startuppers, bien au contraire. L’association prévoit en effet de réduire la voilure des services proposés, pour revenir aux fondamentaux : l’éducation populaire, et non la fourniture de services.
Plein de Chatons
Pour autant, Framasoft ne compte pas disparaître. Des projets, l’association n’en manque pas. Elle poursuit le développement d’alternatives (PeerTube, Framacloud, Mobilizon…), mais encourage ses utilisateurs à découvrir d’autres services que les siens, mis au point par des collectifs qui partagent les mêmes valeurs. En effet, que les consommateurs « framasofto-dépendants » se rassurent : l’association va réduire certains de ses services, mais très progressivement. Surtout, il existe des alternatives à Framasoft ! Dès 2016, celle-ci a en effet impulsé la création du Chatons, le Collectif des hébergeurs alternatifs transparents, ouverts, neutres et solidaires, qui compte aujourd’hui 70 membres. Parmi eux, beaucoup proposent les mêmes services que Framasoft.
« Nous voulons être une Amap parmi d’autres, et non pas LE supermarché du libre, complète le responsable. Cela change vis-à-vis de notre échelle d’action, mais cela change aussi vis-à-vis du rapport qu’on entretient avec les utilisateurs, comme un maraîcher peut parfois se faire aider par les amapiens, et apprendre aux amapiens comment faire pousser les graines. »
Des « Amap numériques » dans chaque quartier, dans chaque village, « pour qu’internet atterrisse » et soit réapproprié : voilà une perspective qui stimule l’équipe de Framasoft. « Et puis les gens matérialiseraient très concrètement l’impact énergétique du stockage de leurs données. Cela les amènerait peut-être à utiliser internet différemment, moins aveuglément. »
Fabien Ginisty
1 – Plus de 90 % des recherches sur Internet se font à partir de Google.
2 – Révélé par Edward Snowden en 2013, le programme de surveillance PRISM mis en place par la NSA est toujours actif.
3 – D’après le magazine Forbes, Bill Gates (Microsoft), Mark Zuckerberg (Facebook), Larry Page et Sergey Brin (Google) sont respectivement 2e, 8e, 10e et 14e fortunes mondiales.
4 – Gafam pour Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft.
5 – Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.