Mes enfants n’aiment plus l’école. Il et elle n’ont pourtant aucune difficulté, et les débuts de leur scolarité ont été heureux. Ça a commencé à se gâter au collège – ce moment à partir duquel les journées des gosses deviennent saucissonnées heure par heure, passées pour la plupart assis derrière une table. Une collégienne curieuse et consciencieuse d’un côté, un lycéen dilettante de l’autre… et pourtant une même envie d’être ailleurs.
Légende photo : Extrait de “Vous ne pouvez rien faire contre nous, nous vous empêchons de vieillir”, Les lascars du Lep électronique, Paris, 1986. Texte publié en 2020 par les éditions du commun.
Le soir de la rentrée, Malik est arrivé avec le moral dans les chaussettes. Il a dit : « Aujourd’hui, j’étais triste. Je suis resté assis, à écouter les profs parler. On nous oblige à rester là huit heures par jour ! On nous prépare à travailler pour les riches. » Un peu raccourci, certes, mais loin d’être complètement faux… On a quand même parlé de ce qu’apporte l’école – une ouverture, des savoirs, des idées pour, justement, s’émanciper du système imposé par « les riches ». N’empêche, la discussion m’a laissé un sentiment de découragement et de culpabilité. Et merde ! On fait des gosses en sachant qu’ils passeront leurs journées à l’école, et on n’est pas foutus, collectivement, de faire en sorte que l’école soit épanouissante pour tous ?!
Le constat m’attriste d’autant plus que je connais des tas d’enseignant·es qui font leur boulot avec conviction, imagination, respect de l’intelligence des jeunes. D’ailleurs, mes enfants n’en ont pas après leurs profs : comme tout le monde, ils en apprécient beaucoup certains et en détestent cordialement d’autres. C’est un peu comme s’ils étaient dans le même bateau, et vogue la galère. « C’est pas la faute des profs, dit Malik. C’est juste que c’est mal fait. »
Comme des milliers d’ados, Malik et Nawal ont signé une pétition en ligne (1) adressée le 4 septembre à la ministre de l’Éducation. Le 24, le texte réunissait plus de 185 000 signatures. Il démarre ainsi : « Nous, élèves de France, [souhaitons] voir des améliorations significatives dans notre système éducatif. » Il demande que « les cours les plus exigeants, tels que les mathématiques, le français, l’anglais, la technologie, l’histoire et les sciences de la vie et de la Terre », soient concentrés sur les matinées, de 8 à 13 heures. Les matières sportives et artistiques seraient proposées l’après-midi. Elle propose aussi : « Au lieu d’imposer des heures de colle aux élèves perturbateurs, nous proposons de les remplacer par des séances de méditation, de réflexion ou de psychologie. » Enfin, elle demande la création dans chaque établissement « d’un espace ouvert, où les élèves pourront exprimer leurs ressentis, partager leurs préoccupations, et participer activement à la vie de l’école ».
L’auteur est un jeune vidéaste, SenseiDmots, suivi par de nombreux ados sur les réseaux sociaux. L’idée de réduire la journée de classe fait un tabac : tout le monde y va de sa story (2) pour encourager les autres à signer. Dans ses vidéos, le jeune homme précise sa proposition : les vacances scolaires seraient raccourcies tandis que les activités de l’après-midi, non obligatoires, seraient organisées par les élèves eux-mêmes. « Ils pourraient être forces de proposition et, puisqu’ils auraient tout l’après-midi de libre, ils pourraient aller démarcher eux-mêmes des intervenants. » SenseiDmots s’est lancé dans une tournée des lycées de région parisienne pour présenter la pétition aux élèves. C’est pas si simple, mais c’est déjà ça : en débattant de son organisation, les jeunes redonnent du sens à leur école.
1- « Un système scolaire adapté pour une meilleure réussite : Les cours uniquement le matin », sur change.org
2- Très courte vidéo.
Lisa Giachino