Des garages associatifs pour apprendre à réparer sa voiture, il en existe, bien qu’encore trop peu. Des garages associatifs militants féministes, aussi ! L’Isère en compte au moins un en ville, et un en campagne.
Écoutez cet article, lu par Benjamin Huet :
La mécanique est-elle encore « affaire masculine » et « affaire de spécialistes » ? Sans doute, et c’est pourquoi, parmi les diverses manières de mettre en place un garage associatif pour apprendre à réparer sa voiture, certaines insistent sur l’importance de favoriser leur accès aux personnes qui en sont éloignées, qu’elles le soient pour des raisons économiques, sociales, de genre, de handicap … Un peu partout en France, des garages associatifs se revendiquent donc militants et féministes, en tout cas aussi inclusifs que possible. En Isère, le collectif de mécaniciennes Les Solénoïdes a monté le garage Les Soupapes, en 2014 à Fontaine, dans l’agglomération grenobloise.
MÉCANICIENNES BÉNÉVOLES ET PRIX LIBRE
Malgré un planning très rempli, deux de ses bénévoles font aussi partie d’Autothunes, un nouveau garage associatif qui lui, a trouvé son local – partagé avec une brasserie – en milieu plus rural, à Chatte, près de St-Marcellin dans le nord Isère. Les premières permanences y ont démarré en janvier 2024. Résumons les grands principes : vous faites un diagnostic sur place avec l’équipe lors d’une permanence, puis vous prenez rendez-vous pour un « chantier ». En amont de celui-ci, vous achetez vous mêmes les pièces nécessaires, sur les conseils des « mécano·as ». Le jour J, vous venez avec, par exemple, votre nouveau radiateur, et vous apprenez à démonter l’ancien pour remonter le nouveau …
Finies les fuites de liquide de refroidissement ! De la simple vidange au changement de courroie de distribution, « il y a des habitués, qui viennent pour des gros chantiers qu’ils n’ont jamais faits, ou bien quand il faut être deux. Et des gens qui n’ont jamais touché à la mécanique, qui peuvent être excités ou avoir un peu peur », relate Harmonie, mécanicienne à Autothunes. En vous accompagnant, les bénévoles ont évidemment le souci de votre sécurité, car « la vie des gens est en jeu », souligne Julos, des Soupapes. Niveau facturation, les travailleur·euses, diplômé·es en mécanique auto, sont bénévoles. Vous choisissez en conscience le tarif de la main-d’oeuvre. Cela reste économiquement fragile, mais utile pour ne pas discriminer les personnes ayant de petits revenus (1).
ÉQUILIBRAGE DES PÉDAGOGIES
Et puis les « mécano·as » sont des femmes, des personnes transes, ou non binaires. Aussi, même si vous en avez vu passer, des joints de culasse, des bougies, des courroies … et quel que soit votre degré d’autonomie ou votre degré de confiance, vous écoutez attentivement leurs conseils de professionnelles et tout se passe dans un échange égalitaire et constructif, y compris pour elles, car après tout « on a toujours plein de choses à apprendre », s’enthousiasme Harmonie. Autodidacte sur son camion, elle s’est formée un an auprès de Marie, du garage associatif Ta caisse fuit, à StÉtienne, avant de rejoindre l’équipe d’Autothunes. « La partie pédagogique me faisait très peur mais finalement je me sens fluide par rapport aux besoins et aux questions. Je me soucie de savoir si je n’ai pas pris trop de place, j’ai envie que les gens se sentent à l’aise. » Certaines permanences ou ateliers sont spécifiquement en non mixité, entre femmes et personnes LGBTQIA+, pour qui ressent le besoin d’apprendre au sein d’un espace préservé d’éventuels rapports de domination. « Depuis, on a moins d’hommes », constate Julos.
Pour autant, les chantiers sont ouverts. L’important est de mettre en avant le projet : « On a envie de mettre les personnes minoritaires à l’aise. Et que les gens qui viennent le sachent. Que ça existe dans leur tête. Pour l’instant ça va assez bien. On a des personnes extrêmement chouettes. Certaines sourient en lisant le flyer et demandent si les hommes aussi ont le droit de venir. Mais oui ! C’est d’autant plus important que l’isolement à la campagne peut être hyper fort et venir hyper vite », prévient Harmonie. L’un en ville, l’autre en campagne, voilà une différence notable entre les deux garages, qui explique, en plus de leur presque dix ans d’écart, qu’ils n’aient pas encore la même fréquentation. Les Soupapes, à Fontaine, avec le seul bouche-à-oreille, croulent sous les chantiers. Elles sont d’ailleurs en recherche d’un nouveau local et de contributions pour le trouver, l’acheter ou le louer (2).
Lucie Aubin
1 « Le système économique est déficitaire », explique Julos pour les Soupapes, notamment en raison d’un loyer très élevé. L’association recourt parfois à des fonds privés.
2 Les Soupapes ont besoin de pouvoir rentrer 5 à 6 véhicules. Et d’un bureau accessible.