Événement planétaire, les Jeux olympiques ne pourront sans doute jamais se targuer d’être « écologiques », comme ont pourtant tenté de le dire les organisateurs parisiens.
En mars 2023, les organisateurs n’y allaient pas de main morte : ils affichaient la volonté de faire des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris « le premier évènement sportif mondial à contribution positive pour le climat ». Une ambition louable, qui semblait surtout totalement irréaliste. Comment le grand raout planétaire du sport pourrait bien avoir un effet positif sur le climat ? En gros, le plan des organisateurs était le suivant : limiter les dégâts, puis « compenser les émissions carbone au-delà de celles liées aux Jeux » – passant évidemment sous silence tous les problèmes posés par ce système des compensations.
En se fiant aux prévisions de ces mêmes organisateurs, les émissions des JOP qui se tiendront cet été se partageront en trois tiers : un tiers pour les déplacements, un tiers pour les constructions,
un tiers pour les activités connexes (restauration, hébergement, sécurité, etc.). Une répartition « tout à fait courante » pour des JO, rapporte Martin Müller, professeur de géographie et durabilité à l’Université de Lausanne, et qui étudie les grands évènements sportifs depuis 15 ans.
Des millions de visiteurs
Un bon point pour les Jeux de Paris : par rapport à d’autres éditions, ils se distingueront par une diminution importante du nombre de constructions neuves. La capitale peut en effet compter sur de très nombreuses infrastructures déjà existantes, et entend s’appuyer avant tout sur celles-ci, faisant ainsi baisser sérieusement les émissions carbone liées à ce domaine. Selon les organisateurs, un seul équipement d’importance sera construit pour l’occasion : un centre aquatique en Seine-Saint-Denis, qui, une fois les Jeux terminés, sera utilisé par les habitant·es du département, jusque-là sous-équipé en la matière. Quant à l’autre construction importante, le village olympique, il sera par la suite reconverti en bureaux et habitations. Tout n’est pas parfait : les dimensions des bassins répondent plus aux exigences olympiques qu’à celles des habitant·es de Seine-Saint-Denis, la reconversion du village olympique en appartements nécessite des travaux qui feront grimper le niveau des loyers, etc. Mais, au moins les JOP ne devraient-ils pas laisser derrière eux
d’ « éléphants blancs », nom donné aux grandes constructions, typiquement des stades, réalisées pour une compétition précise et qui ne servent plus à rien une fois celle-ci terminée. À Paris, les grands travaux seront surtout des rénovations d’équipements existants. « Sur ce plan, Paris 2024 fera probablement mieux que la plupart des villes hôtes précédentes. Par contre, je ne vois pas encore de politique pour diminuer les déplacements en avion, l’autre grande source d’émissions », s’inquiète Martin Müller.
Car en promettant un évènement « à contribution positive pour le climat », les organisateurs n’ont pas fourni le détail de leurs actions et de leurs calculs qui permettraient d’atteindre un tel résultat. Or, de quoi parle-t-on ? D’un grand rassemblement de 15 000 athlètes se déplaçant avec leur staff et venant – c’est tout l’intérêt des JOP – de tous les coins du globe. Des dizaines de milliers de personnes qui débarqueront donc par avion. Mais ce n’est rien, par rapport aux touristes attendus pendant les épreuves : un peu plus de 15 millions d’individus devraient prendre part aux activités liées aux JOP (assister à une épreuve, se rendre dans une fan zone, etc.) selon les prévisions de l’Office de tourisme de Paris, dont un peu plus de 10 % viendront de l’étranger. Ce chiffre doit certes être pondéré, car avec ou sans compétition sportive, Paris est l’une des villes les plus touristiques du monde.
Diviser l’empreinte par deux
Dans une certaine mesure, celles et ceux qui viennent pour les JOP remplaceront les touristes « habituels ». Il reste que ces grands rassemblements sportifs encouragent fortement les voyages, et notamment ceux effectués en avion. Sur recommandation de l’Ademe, le comité d’organisation a finalement renoncé à utiliser l’expression de « Jeux à contribution positive pour le climat ».
Il continue néanmoins d’afficher un objectif ambitieux : « Diviser de moitié l’empreinte carbone des Jeux par rapport aux éditions précédentes. » 3,5 millions de tonnes équivalent CO2 ont été émises, en moyenne, lors des Jeux de Londres en 2012 et ceux de Rio en 2016. Paris 2024 espère limiter la casse à 1,58 million de tonnes, ce qui n’est déjà pas rien : cela correspond « aux émissions annuelles de près de 800 000 personnes, selon les objectifs fixés dans les accords de Paris pour 2050 », note Martin Müller. Comme nous venons de le voir, des efforts ont été faits en matière de construction. Mais au-delà ? « J’attends encore les détails de la composition de l’empreinte CO2, surtout parce que la réduction promise par rapport aux JO précédents est importante et j’aimerais comprendre comment elle sera réalisée », remarque, sceptique, Martin Müller.
Les mesures annoncées : « électricité renouvelable pour tous les sites [mais le mix électrique français reste le même pour les JOP…, Ndlr], desserte en transports en commun pour 100 % des sites [sur un réseau déjà existant mais avec des prix multipliés par 2, Ndlr], plan de restauration durable [moins de viande dans les assiettes, c’est très bien mais l’impact sera mineur, Ndlr], plan numérique responsable [à base de 5G, il paraît compliqué d’être “responsable”, Ndlr], équipements temporaires réalisés en matériaux bas carbone, déploiement de l’économie circulaire… »
On peine à croire que ces mesures suffisent. Selon Martin Müller, il faudrait, plus radicalement, mettre un coup d’arrêt à la démesure olympique : « Nous ne pouvons plus avoir le déplacement de dizaines ou même de centaines de milliers de personnes en avion pour regarder un match ou deux. La taille de ces événements doit diminuer pour remettre le sport au centre.Je m’imagine des fan zones aménagées dans toutes les grandes villes du monde où les amateurs peuvent regarder leurs sports préférés en direct, sur un grand écran, dans une belle ambiance, au lieu de prendre l’avion pour se rendre à l’autre bout du monde. »
Nicolas Bérard
Dehors les pauvres
Les autorités veulent visiblement faire place nette pour accueillir les JO de Paris : précaires, sans-abris, personnes en situation de prostitution, marginaux sont envoyés loin de la capitale.
Le gouvernement le clame haut et fort : il veut « faire des JO 2024 une réussite française et un événement populaire » ! Populaire ? Le prix des billets pour y assister relativise beaucoup cet adjectif. Nous nous sommes rendus sur la billetterie en ligne ce 22 janvier. Il y avait bien une petite poignée de tickets à prix « réduit », quoique pas donné non plus : 40 euros, pour assister à une rencontre de tour préliminaire du tournoi de foot, mais sans en connaître les protagonistes. Les tarifs grimpent ensuite à une centaine d’euros pour, notamment, voir des épreuves de tir à l’arc. Ensuite, les prix s’envolent à plusieurs centaines d’euros. Il restait également quelques places pour assister à la cérémonie d’ouverture. Pour cela, comptez… 2 700 euros !
En moyenne, 800 euros la nuit
Et cela ne concerne que le prix d’entrée sur les sites olympiques. Encore faudra-t-il vivre, manger, se loger, se déplacer dans Paris… Et là, c’est encore pire. Le prix des transports en commun, par exemple, va doubler durant les Jeux. Mais la plus grande galère sera sans doute de se loger – bien que la mission paraît tout simplement impossible pour le plus grand nombre. Les touristes devront ainsi débourser, en moyenne, entre 700 et 800 euros la nuitée, soit 3,5 fois les prix habituellement pratiqués à Paname (1). Résultat : les propriétaires préfèrent mettre leurs locataires dehors pour empocher le magot durant les Jeux. Idem pour les hôtels qui louaient habituellement des chambres au Samu social : ils n’ont plus de place pour les pauvres.
Vers un héritage social négatif ?
Ce ne sont donc pas uniquement les touristes non fortunés qui ne pourront pas se loger : leurs homologues parisiens auront également du mal à rester dans la capitale durant les Jeux ! Pour les étudiants bénéficiant d’une chambre en résidence Crous, par exemple, la messe est dite : le gouvernement a autorisé, par la loi du 26 mars 2018, à louer les logements étudiants au Comité d’organisation des JOP. En fait, tout ce que la ville compte de précaires et de marginaux est repoussé hors de ses murs, sans préparation, dédommagement ni visibilité sur l’après, comme le dénonce le collectif Le Revers de la médaille. Plus de 80 associations s’y sont regroupées (Médecins du monde, Emmaüs France, Action contre la faim…), « pour alerter sur le nettoyage social opéré dans les rues de Paris dans le cadre de ces Jeux. On n’est pas contre l’organisation des Jeux à Paris, mais nous demandons que ce soit fait dans le respect des droits des personnes et notamment des plus vulnérables : celles qui vivent à la rue, les femmes en situation de prostitution, toutes celles et ceux qui vivent et travaillent en situation de précarité dans l’espace public », explique Aurélia Huot, directrice adjointe de Barreau de Paris Solidarité, association qui œuvre pour l’accès au droit et membre du collectif Le Revers de la médaille.
Ces derniers mois, la pression s’est fortement accentuée. Les tentes et les affaires de personnes sans domicile sont brutalement confisquées, les personnes en situation de prostitution se voient délivrer des OQTF (obligation de quitter le territoire français), des centres d’accueil ou des squats sont évacués, des personnes exilées sont envoyées dans des sas en régions où leur situation doit être examinée – mais surtout où elles ne sont plus visibles des touristes « olympiques »…
« Pas prêts du tout »
« Démanteler des campements, déplacer des personnes… Ce ne sont pas des phénomènes nouveaux, mais ça s’est fortement intensifié ces derniers mois. Et des policiers nous ont confirmé, oralement, que c’était organisé dans le cadre des Jeux olympiques pour nettoyer l’espace public », rapporte Aurélia Huot.
Alors que les organisateurs affirment vouloir faire de ces Jeux les plus « inclusifs de l’histoire » et laisser derrière eux un « héritage social », celui-ci pourrait bien se révéler négatif : « Si on continue d’éloigner ainsi des gens sans préparation ni concertation, les associations vont perdre le lien qu’elles avaient avec ces personnes, et ce sera très dur de le recréer. La mairie de Paris semble entendre nos alertes, mais c’est beaucoup plus compliqué avec la préfecture. Il faut se dépêcher de trouver des solutions alternatives : monsieur Estanguet (2) affirme que nous sommes prêts pour les Jeux. En ce qui concerne la rue, non, nous ne sommes pas prêts du tout. »
NB
1 – étude Le Parisien / Lycaon-Immo, 5/11/23.
2 – Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux, ex-champion olympique de canoë, sorte de Thomas Pesquet des JOP de Paris.
Je sui bien d’accord pour dire que ces jeux sont loin d’être respectueux de la planète. Pour ce qui est des déplacements en avion vous oubliez de préciser que certaines épreuves auront lieu à Bordeaux, Nantes, Lyon, Marseille, Lille et surtout, le comble de tout à Tahiti !!! Croyez-vous qu’ils iront là-bas à la nage ou en bateau à voile ????
Habitant en Savoie je suis outrée de penser qu’ils osent programmer des jeux en 2030 dans les alpes !