Dans la région des Limoges (Haute-Vienne), l’État a déployé les grands moyens, habituellement destinés à la lutte anti-terroriste, pour tenter de mettre la main sur les personnes ayant saboté une antenne-relais et mis le feu à des voitures Enedis.
« Ils ont employé des moyens impressionnants, et on pense que c’est fait exprès : ils cherchent à faire peur. » Alain est membre du « comité 15 juin », qui soutient les personnes mises en cause dans une vaste enquête portant sur des véhicules Enedis incendiés en janvier 2020 et le sabotage d’une antenne relais aux Cars, près de Limoges, en février 2021.
Ce 15 juin 2020, six suspects ont été interpellés à leur domicile, parfois dès 6 heures du matin, par des hommes cagoulés et armés, avant d’être placés en garde à vue et interrogés par la sous-direction anti-terroriste. Le profil des dangereux « terroristes » : une directrice d’école à quelques mois de la retraite, une menuisière, un retraité de plus de 70 ans…
Pour garantir la sécurité du pays, ces trois-là se sont retrouvés en garde-à-vue durant 96 heures. Le procureur a même demandé le placement en détention provisoire pour deux d’entre eux, accusées de « destructions matérielles en bande organisée portant atteinte aux intérêts de la Nation » et d’« association de malfaiteurs ». En cause : sur le pylône incendié se trouvait également des antennes de la gendarmerie. La demande de détention provisoire a été rejetée par le juge des libertés (JLD), à deux reprises, puisque que le parquet avait fait appel de la première décision. Un contrôle judiciaire strict a été prononcé.
UN TARNAC BIS ?
Sylvie, quant à elle, n’est pas allée en garde à vue, mais fait partie de la dizaine d’autres personnes qui ont été perquisitionnées et entendues. Les enquêteurs se sont pointés ce même 15 juin pour les interroger. « Ils étaient six ou sept. En tout cas il y av ait deux voitures. » Arrivés à 8 heur es, ils ne sont repartis qu’à 13h30. Comme chez les personnes mises en garde vue, du matériel informatique (ordinateurs, clefs USB…) a été saisi. « Un ordinateur, c’est super personnel ! Et c’est dans ces moments-là qu’on s’en rend compte », souffle-t-elle. Les questions ont tourné autour de ses engagements militants, des structures qu’elle fréquente (une association d’aide aux réfugiés, une chorale de chants de résistance, un cercle de réflexion…) ou de son éventuelle participation au média local La Bogue, visiblement dans le viseur des enquêteurs.
Depuis, plus de nouvelles. Les contrôles judiciaires n’ont pas été levés, un des suspects aurait reconnu certains faits, mais l’enquête ne semble plus avancer. On sait pourtant que la sous-direction anti-terroriste est d’une redoutable efficacité : c’est déjà elle qui avait mené l’enquête sur le « groupuscule de Tarnac », l’un des fiascos judiciaires les plus retentissants des 20 dernières années.
Nicolas Bérard
Article publié en janvier 2022 dans L’âge de faire n° 169
Illustration : DR Pixabay