Le 19 décembre, les Chiliens et les Chiliennes ont élu un président de gauche, face à un candidat d’ultradroite nostalgique de la dictature de Pinochet. Une nouvelle page hautement symbolique s’ouvre peut-être dans ce pays d’Amérique du Sud.
La victoire a surpris les observateurs par son ampleur : Gabriel Boric, le jeune candidat de gauche de 35 ans, a été élu président du Chili, le 19 décembre, avec près de 56 % des voix. Il était opposé au second tour à José Antonio Kast, candidat d’ultradroite, nostalgique de la dictature de Pinochet. « Si le Chili a été le berceau des néolibéraux, ce sera aussi sa tombe », a déclaré Gabriel Boric suite à son élection.
Il faisait ainsi référence aux années 1970, au cours desquelles le président élu de gauche Salvador Allende avait été renversé, avec l’aide des États-Unis, par le général Augusto Pinochet. Les « Chicago Boys » – néolibéraux inspirés par l’économiste Milton Friedman – avaient ensuite conseillé le dictateur d’extrême droite en privatisant à tour de bras, faisant du Chili un véritable laboratoire de leur idéologie. Ce libéralisme avait été imposé d’une main de fer par le sanguinaire Pinochet. « Tout militant de gauche au Chili a au moins un membre de sa famille qui a été victime de la dictature. Mon grand-père a été prisonnier politique, ils l’ont torturé, il est mort en prison » (1), explique par exemple Luis Thielmann, historien et membre du Front large, la coalition menée Gabriel Boric. L’élection de celui qui sera le plus jeune président de l’histoire du Chili est donc aussi perçue comme un symbole : celui d’une élection qui pourrait refermer ce triste chapitre.
Large rassemblement
Gabriel Boric en est arrivé à la politique à travers le syndicalisme étudiant, avant de se faire élire député en 2013, puis d’être réélu en 2017. Il s’est ensuite fait connaître en menant la campagne victorieuse pour le « oui » lors du référendum de 2019, afin de savoir s’il fallait changer la Constitution chilienne, justement héritée des années Pinochet.
Pour remporter cette présidentielle, après être arrivé second du premier tour, le Front Large de Boric a accepté de passer des alliances jusqu’au centre gauche. Le candidat a aussi marqué des points lors du débat télévisé : alors que son adversaire l’accusait de consommer des drogues, il a brandi les résultats de tests sanguins prouvant sa sobriété.
Mais Boric a également su mobiliser les abstentionnistes du premier tour. Le taux de participation a atteint plus de 55 % au second tour, contre seulement 47 % au premier. Les systèmes de santé, de retraite et d’éducation, largement privatisés sous l’ère Pinochet, devraient être repris en main par l’État.
En France, tous les candidats à la présidentielle se revendiquant de gauche se sont réjouis de sa victoire. Celle-ci a également été saluée par Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, ancien président brésilien, et favori des sondages pour la présidentielle d’octobre 2022.
Nicolas Bérard
1- Les citations de Luis Thielmann sont extraites de l’article de Mediapart Au Chili, le réveil antifasciste fait gagner la gauche, de Mathieu Dejean.