Pour aller jouer avec son groupe au festival d’Avignon, le musicien Julien Paitel a enfourché sa bicyclette en Bretagne. Vingt-cinq jours de voyage et dix-huit concerts, « au plus près des gens », avec un système sono autonome.
On a rendez-vous au téléphone, un matin à 11 heures. Julien est en haut d’une côte, moi, bêtement dans mon bureau.
« – Merci de me faire faire une pause, dit-il essoufflé.
– Tu es chargé ?
– Oui, assez : une petite remorque, ma guitare, ma trompette,
un petit ampli, un panneau solaire, une batterie de moto…
et aussi tout mon matériel de camping, et mes affaires ! »
Julien Paitel est le chanteur-compositeur-interprète du groupe Obscur feuillage, qui fait « de la chanson française à texte et de la variété décoiffante ». Avec Elsa Putsch au trombone et Varenfel aux guitares, il se produira, du 3 au 21 juillet, au festival Off d’Avignon. Il aime aussi pédaler, et a donc décidé de rejoindre Avignon à vélo… depuis la Bretagne ! « J’ai fait 430 km, il m’en reste 570, me dit-il le 13 juin. J’avais déjà fait une tournée à vélo dans la Loire. Là, je trouvais important de mesurer la distance qui me séparait d’Avignon. C’est aussi un signal envoyé aux programmateurs, pour qu’ils envisagent dans le futur de me placer auprès d’autres structures, sur mon itinéraire. »
Quand on est musicien et qu’on veut utiliser des transports « doux » tout en gagnant sa vie, l’itinéraire est une question épineuse. Les deux autres membres d’Obscur feuillage n’ont pas pu suivre Julien dans sa randonnée. « En juin, on a toujours beaucoup de contrats, et on joue tous dans plusieurs groupes. Moi, j’ai pu me faire remplacer dans mes autres groupes, mais pas eux. » Une tournée à vélo de la formation au complet, en Bretagne, est cependant prévue pour 2025.
REMORQUE D’ENFANT, PANNEAU SOLAIRE, BATTERIE DE MOTO
En attendant, Julien peaufine la logistique en inaugurant son système de diffusion autonome. Rien de coûteux : « J’ai un simple vélo, une remorque faite pour transporter les enfants, dans laquelle rentre mon panneau solaire une fois plié. Et un petit ampli de 5 watts… ça me permet de jouer dans des campings naturels, des clairières… » En vingt-cinq jours de voyage, il aura donné dix-huit concerts, organisés par des mairies ou des associations.
Expérimenté l’an dernier dans la Loire avec le festival Chant’appart, qui organise des concerts chez l’habitant, ce modèle de concerts de proximité lui plaît. « Quand je suis dans l’Allier à Bagneux, 370 habitants, et que 70 personnes viennent à mon concert, je suis content ! Aller à la rencontre des gens, au plus près de chez eux, ça me va. Tout le monde veut qu’on devienne plus grand ! Moi je préférerais qu’on fasse des plus petits concerts, avec plus d’interactions. »
Ce goût pour la proximité rencontre les préoccupations écolo de Julien. « Il y a beaucoup de réunions, de conférences sur l’écologie et la musique. C’est vrai que l’impact des gros festivals est important, surtout à cause du déplacement du public. Mais le vrai problème, c’est le streaming ! Énormément de musiciens mettent énormément de musique en ligne. Tout ça est stocké sur des serveurs qui tournent jour et nuit… C’est gratuit, mais le coût environnemental augmente énormément par rapport aux cassettes ou CD, qui permettent d’écouter de nombreuses fois un même support. » Pour autant, vous trouverez des chansons de Julien sur quelques plateformes : « C’est difficile de garder la mesure en musique ! »
Lisa Giachino
> Obscur Feuillage, du 3 au 21 juillet, à 20 h tous les soirs sauf le mardi, au Figuier Pourpre (Maison de la poésie d’Avignon), spectacle soutenu par le Centre national de la musique. Prochain album prévu en octobre.