Des nombreuses antennes relais ont été vandalisées. Contrairement à ce qui a pu être affirmé au départ, ce n’est pas forcément le fait de « conspirationnistes », de « terroristes » ou de détraqués : certain·es assument et expliquent clairement leurs actes.
Une soixantaine d’antennes relais auraient été dégradées en France depuis le début de l’année. Dans les médias, les suspects ont très vite été assimilés à des « complotistes » adhérant aux théories selon lesquelles la 5G serait responsable de l’épidémie de Covid-19. Faut-il y voir une réalité, ou une façon de décrédibiliser un mouvement de désobéissance argumenté, et n’ayant plus que ce moyen radical pour se faire entendre ?
Suite à des incendies d’antennes en Isère, une revendication a été publiée sur internet. Loin d’un discours complotiste, le texte, signé « des chauves-souris transmettant le feu », explique notamment que les « antennes-relais figurent parmi tous les intrus qui défigurent les paysages. Elles servent à la communication de masse, bientôt jusque dans les endroits les plus reculés. Actuellement les installations de la 5G sont déployées dans ce but. Nous ne voulons pas d’un monde où la garantie de pouvoir communiquer à distance sans cesse et partout, s’échange contre le fait de pouvoir être surveillés et contrôlées constamment ».
À Nice, l’incendiaire d’une antenne 5G s’est fait pincer par les gendarmes immédiatement après son action. Et pour cause : ce relais, très contesté par les riverain·es, avait déjà subi plusieurs dégradations et faisait donc l’objet d’une surveillance particulière. Titulaire d’une licence de droit et management, le jeune homme a expliqué au journal Nice Matin avoir travaillé deux ans dans la téléphonie et avoir ainsi eu « accès à de la documentation professionnelle » l’ayant alerté sur les dangers sanitaires de la 5G. Il parle ensuite, entre autres, des conséquences environnementales désastreuses du renouvellement des smartphones et des enfants exploités en République démocratique du Congo dans les mines de cobalt (1) – minerai qui entre dans la composition des portables.
« Les arguments qu’il m’a exposés sont très percutants, estime son avocat Jean-Pascal Padovani. Il assume son geste, car il ne mettait en danger ni des biens privés, ni la sécurité d’individus. Il explique qu’il n’y a que comme ça que la 5G pourrait reculer, ou du moins prêter à réflexion. Il ne se renie pas du tout. Pour moi, ce sont des actions militantes, qui ne sont pas néfastes pour le fonctionnement de la société, qui ne sont pas dangereuses pour la sécurité des gens et qui peuvent interpeller l’opinion publique. »
Bientôt les faucheurs d’antennes ?
Élue (EELV) à la mairie de Nice, Sylvie Bonaldi n’en a pas moins ramassé une volée de bois vert après avoir affirmé qu’elle « approuvait » ce sabotage. À tel point qu’elle a dû légèrement rétro-pédaler : « Le terme exact qui ne m’est pas venu sur le moment est “je comprends”. »
« L’idée du sabotage renaît, à mesure que la rage à l’égard de l’obstination destructrice du capitalisme grandit, observe le journaliste Hervé Kempf dans son dernier ouvrage (2). Dégonfler les pneus des SUV, obscurcir les flashcodes des trottinettes électriques, éteindre les lumières des magasins illuminés sans raison, poser des autocollants sur des caméras de surveillance, détruire des antennes 5G – les actions, disparates, se multiplient.»
Me Padovani, lui aussi, voit dans ce sabotage un acte militant : « Je vous le dis, je n’ai jamais voté à gauche. Mais regardez José Bové : ce mec-là nous a ouvert les yeux sur la malbouffe et les OGM. Ce n’est pas un voyou ! Quand les pouvoirs publics sont sourds, que vous ne pouvez rien faire, avec ce genre d’actes, vous commencez à avoir certains résultats. »
Conclusion du jeune incendiaire niçois, dans les colonnes de Nice Matin : « Je ne suis pas fier de ce geste. Mais c’est bien, même si c’est un petit pas. »
Nicolas Bérard
1 – Au sujet des mines de cobalt, lire le rapport d’Amnesty International, intitulé Voilà pourquoi on meurt.
2 – Que crève le capitalisme, ce sera lui ou nous, de Hervé Kempf, éd. Seuil-Reporterre.