Botaniste, cueilleur de simples, Aurélien Ferrand a gardé quelques ruches de son passé d’apiculteur. En connaisseur intime de la flore des Hautes-Alpes, il nous parle de l’impact écologique des parcs photovoltaïques au sol.
L’âge de faire : Qu’est-ce qui va se passer pour les sols naturels recouverts de panneaux ?
Aurélien Ferrand : Sur la montagne de Lure (Haute-Provence, Ndlr) ou dans le Buëch (Hautes-Alpes, Ndlr), l’arrachage des forêts va causer une désertification, d’autant plus que les parcs sont implantés sur des plateaux élevés, d’où partent souvent des sources. Il va donc y avoir un impact sur l’eau. On enlève un couvert végétal, on pose par-dessus des bâches noires qui vont faire monter la température. On minéralise l’endroit. Dans trente ans, quand on enlèvera les panneaux, ce sera désertique. Il faudra plusieurs siècles pour que la forêt revienne, car elle a mis très longtemps à évoluer pour s’adapter au milieu méditerranéen, surtout sur les versants sud.
Au-delà de la surface des parcs proprement dite, quels peuvent être les impacts sur l’environnement local ?
Il risque d’y avoir un effet thermique. Aux Sérigons (un village des Hautes-Alpes, Ndlr) par exemple, ils veulent mettre des panneaux à côté d’une forêt très sèche, qui a réussi à s’implanter sur des mètres-carrés de galets charriés par le torrent. Or les panneaux ont un fort pouvoir déssechant sur l’air. Les parcs photovoltaïques sont aussi des espaces clôturés, qui vont bloquer les mouvements de la faune. Ça va impacter les cultures. À Montmaur, un agriculteur s’est retrouvé avec 50 chevreuils dans ses champs. Ils sont restés là des mois, le temps de trouver d’autres zones pour vivre : perturbés par un parc de 7 hectares, ils ne savaient pas où aller.
Ne pas couper les forêts pour produire de l’électricité, cela semble du bon sens. Mais qu’en est-il des friches ? Faut-il aussi les protéger ?
Les friches sont plus difficiles à défendre. La friche, c’est une pré-forêt. Il faut donc savoir vers où on veut aller. Est-ce intéressant de voir cet espace colonisé par la forêt ? En prenant les décisions, nous devons avoir conscience de ce que nous apporte la forêt, de la chance qu’on aura d’en avoir dans le futur. Des territoires, aujourd’hui déforestés sont en déficit de bois. Beaucoup de bois quitte ainsi l’Europe pour la Chine par exemple. La demande locale augmente aussi, la pression sur la forêt est de plus en plus forte. Si on ne fait pas attention, très rapidement, on se retrouvera comme au début du siècle : sans forêt.
Recueilli par LG








