Comme le montrent, année après année, les rapports du Giec, l’économie mondiale doit prendre rapidement un grand tournant : annuler les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES), ce qui suppose de ne plus utiliser d’énergie fossile (charbon, pétrole, puis gaz), défendre et même reconstituer la nature et la biodiversité. Certes, la France n’est responsable que d’une faible partie des dégâts écologiques infligés à la Terre, mais, comme tous les pays avancés, elle doit montrer l’exemple : ses habitants sont parmi les plus grands pollueurs par personne ; sa croissance passée est responsable des dégâts accumulés depuis 170 ans.
Le tournant écologique suppose d’utiliser tous les instruments disponibles. Une taxe carbone d’un montant élevé et dont la hausse est annoncée doit pénaliser les productions émettrices de GES et rendre rentables les investissements écologiques. Une taxe carbone aux frontières doit pénaliser les exportations des pays qui n’en introduiraient pas une. Une grande partie du produit de ces taxes doit être redistribuée aux ménages les plus pauvres. En même temps, cela ne suffit pas ; ce n’est pas le simple jeu des prix qui peut guider les transformations nécessaires ; le rationnement par les prix épargnerait les ménages les plus riches, les plus gaspilleurs.
Un vaste programme d’investissements publics est nécessaire (rénovation des logements, transports collectifs, énergies renouvelables).
L’écologie incompatible avec le capitalisme
Surtout, les grands choix en matière de production et de consommation ne peuvent être laissés aux grandes entreprises soucieuses de développer des besoins artificiels pour augmenter leur chiffre d’affaires, et le profit de leurs actionnaires. L’écologie n’est pas compatible avec le capitalisme.
Secteur par secteur, une réflexion collective doit s’engager, avec les travailleurs, les usagers et un ministère de la planification écologique. Comment satisfaire les besoins fondamentaux de tous avec le moins de dégâts écologiques possibles ? Certaines productions devront être interdites (des SUV aux bitcoins) ; d’autres devront être repensées : ainsi, des voitures électriques légères en location devront remplacer les lourds véhicules actuels en possession individuelle. La durée de vie, la robustesse, la simplicité, la réparabilité des biens durables devront être garanties. L’obsolescence programmée devra être interdite. Les gaspillages liés à la mode devront être limités. La réduction des inégalités de revenu, au niveau des entreprises comme par la fiscalité, favorisera la lutte contre la consommation ostentatoire. Posséder une Rolex deviendra ridicule.
Organiser cette rupture posera des questions délicates. Chacun n’a pas la même conception des besoins fondamentaux. Ce sera le rôle de la planification écologique de les poser et d’essayer de les résoudre de façon démocratique.
Henri Sterdyniak, économiste atterré