Le schmilblick est presque tout rond, pèse quelques grammes et fait la taille d’une châtaigne… On le trouve chez les hommes sous la vessie et devant le rectum. Cette glande magique émet un liquide transparent (le liquide prostatique), qui coule de la verge lorsque nous sommes excités. Ce fluide alcalin nourrit les spermatozoïdes en enzymes, les couvre d’une enveloppe protectrice durant leur voyage, régule l’acidité du vagin, fluidifie le sperme… Sans sifflet ni képi, la prostate fait même la circulation au carrefour de l’urine et du sperme. Pis que ça, c’est encore elle qui lance l’éjaculation vers l’urètre. Un véritable couteau suisse, qui fait partie de l’appareil reproducteur et urinaire masculin.
Pourtant, la prostate est une mal-aimée. C’est le premier organe touché par un cancer chez les hommes. Selon les données officielles, c’est une maladie très commune, qui survient chez environ 66 % des hommes âgés de 65 ans et plus. Ils ont donc tous une grande chance d’y passer à un moment ou à un autre.
La cause du problème ? Il faut régulièrement expulser le liquide prostatique, car s’il stagne, la prostate gonfle. On parle alors d’une hypertrophie. Elle appuie sur notre vessie et comprime notre canal urinaire.
Dépister une maladie qui n’en est pas une
Pourtant, « le dépistage systématique du cancer de la prostate n’est pas une bonne stratégie de santé. Il aboutit dans de nombreux cas à découvrir dans la prostate des cellules cancéreuses qui n’auraient jamais provoqué de cancer », précise un collectif d’une centaine de médecins dans le manifeste « Touche pas à ma prostate ».
Et en effet, la moitié des hommes de 50 ans et plus sont porteurs de cellules cancéreuses dans la prostate. C’est un phénomène quasi normal, et c’est le cas de près de 100 % des hommes de 90 ans. Mais l’évolution est très lente.
Dans la grande majorité des cas donc : si on dépiste, on trouve un cancer. L’examen s’effectue par toucher rectal, ou avec un test sanguin PSA qui mesure un taux de protéines.
Mais ce test pourrait être plus néfaste qu’il n’y paraît. En deux décennies aux États-Unis, 33 millions de dépistages ont entraîné le traitement d’un million d’hommes en chirurgie, radiothérapie ou hormonothérapie, alors qu’ils ne l’auraient pas été en l’absence de dépistage. « Il est estimé que 5 000 en sont morts, qu’entre 10 000 et 70 000 ont souffert de complications graves, qu’entre 200 000 et 300 000 sont victimes d’impuissance ou d’incontinence », constatent encore trois médecins. (2) Désormais, on traite aussi par la curiethérapie, des grains radioactifs envoyés sur les cellules cancéreuses, et parfois par une opération pour enlever la glande, suivie d’une radiothérapie. Mais tous ces « remèdes » ne sont pas sans risques : ils peuvent provoquer troubles de l’érection et incontinence urinaire. En 2016, l’Institut national du cancer a d’ailleurs rejoint la Haute autorité de santé pour mettre en garde le public sur les dangers potentiels du dépistage du cancer de la prostate. « Aujourd’hui, le bénéfice du dépistage du cancer de la prostate n’est pas clairement démontré », poursuit l’Assurance maladie. Tous les ans, on constate malgré tout 50 000 nouveaux cas en France. La question se pose alors pour de vrai : qui sont les vrais et les « faux » malades de la prostate ? On ne sait plus vraiment où on en est. Malgré ces risques réels, près d’un médecin sur deux recommande encore le dépistage systématique chez les hommes de plus de 50 ans.
Tout pour les médocs
Alors, pourquoi les toubibs continuent-ils de prescrire un dépistage qui ferait plus de mal que de bien ? Certains médecins sont allés lorgner du côté de l’Association française d’urologie (AFU), qui a longtemps mis le paquet sur des campagnes de sensibilisation en faveur du dépistage de la prostate et de ses douteux traitements. Il y a quelques années, les recettes de cette « association », métamorphosée en véritable entreprise, se sont élevées à près de 3 millions d’euros, dont 85 % proviennent de partenariats industriels avec les groupes GSK, Ipsen, Astellas et autres. Au Congrès français d’urologie, on peut participer à des symposiums organisés par les multinationales AstraZeneca ou Sanofi…
Ces boîtes issues de l’industrie pharmaceutique ont toutes une activité en rapport avec le diagnostic ou les traitements du cancer de la prostate. En amont, il existerait pourtant d’autres pistes pour prévenir ces troubles. Uriner assis permet de vider plus facilement et plus complètement sa vessie.
En Asie, le massage est très courant pour avoir une prostate en bonne santé. Une pratique associée à la médecine traditionnelle chinoise. « On l’a fait pendant des siècles, mais c’est sorti des mœurs avec l’avènement des médicaments, analyse-t-elle. Ça se fait depuis des milliers d’années, on n’a rien inventé ! »
Pour faire un massage prostatique, on doit passer par le canal anal, des muscles de 4 centimètres de long composé d’un sphincter externe (l’anus) et d’un sphincter interne qui permet de fermer et ouvrir les portes du rectum. Cette région contient une forte densité de nerfs et contribue au plaisir sexuel. On atteint la prostate en insérant un doigt ou un masseur, environ 7 centimètres plus loin, en direction du pénis, vers l’avant du corps.
Aux portes du rectum
« On parle encore très peu du plaisir sexuel associé au massage de la prostate, ajoute Nathalie Giraud-Desforges. C’était considéré très longtemps comme une perversion par la religion. Mais il faut déconstruire les croyances et les préjugés. » Pour mieux ressentir les effets, on peut contracter son périnée, cette petite zone localisée entre le scrotum et l’anus. Sous cette zone, à l’intérieur du corps, se trouve un plexus nerveux en grande partie responsable de la transmission des signaux du plaisir dans toute la zone génitale.
L’une des meilleures positions pour le massage prostatique consiste à s’allonger sur le dos, relever ses fesses avec un coussin. Et ensuite replier ses genoux contre sa poitrine ou poser les pieds à plat sur le lit, avant de commencer à stimuler sa prostate. Mais alors, pas besoin d’avoir une érection, pas besoin d’éjaculer pour prendre son pied ?
Clément Villaume
1 – Voir la vidéo « Le dépistage du cancer de la prostate n’est pas recommandé » par Dominique Dupagne sur Dailymotion.
2 – « Dépistage du cancer de la prostate, un autre scandale sanitaire ? », Catherine Hill, Alain Braillon et Gérard Dubois, revue Médecine, mars 2012.