Le dernier rapport du Giec paru le 28 février 2022 alerte sur les effets actuels du réchauffement climatique (+1,09°C en 2021 par rapport au niveau préindustriel) sur les populations et les écosystèmes. La réduction de la disponibilité des ressources en eau et en nourriture, l’impact sur la santé, la baisse de moitié des aires de répartition des espèces animales et végétales, sont d’ores et déjà irrémédiables.
La finance pourrait être un levier important pour limiter le réchauffement planétaire, notamment le secteur bancaire, car il peut contribuer au financement de la transition écologique. C’est, au contraire, un frein puissant. C’est même le secteur qui génère l’empreinte carbone la plus importante. Il participe au réchauffement climatique surtout en finançant les entreprises du secteur des énergies fossiles. Les banques ont accumulé des centaines de milliards d’actifs financiers liés à l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz. Ces énergies fossiles produisent déjà des effets désastreux sur la planète, mais ces stocks d’actifs fossiles risquent aussi de devenir des « actifs échoués », c’est-à-dire de perdre fortement de la valeur et de la liquidité et de générer une nouvelle crise financière.
Beaucoup de données… de mauvaise qualité
En novembre 2020, la BCE avait publié un guide pour aider les banques à intégrer des objectifs environnementaux dans leur stratégie. Elle vient de réaliser un rapport d’évaluation portant sur 109 banques de la zone euro. Frank Elderson, membre du Comité exécutif de la BCE et vice-président de son Conseil de surveillance, en a dévoilé les grandes lignes (1) le 14 mars 2022 : « Aucune banque ne répond pleinement aux attentes de la supervision. » Et d’expliquer que les banques essaient de compenser la mauvaise qualité des données qu’elles divulguent par un grand volume d’informations sans vraie substance sur les sujets verts. Beaucoup de « bruit de fond » (white noise). À peine une banque sur cinq explique quels critères et quelle méthode elle emploiera pour se conformer aux accords de Paris. Aucune règle contraignante ni aucun mécanisme de sanction n’ont été instaurés. Avoir un plan de sortie des énergies fossiles doit être une obligation et non une option ! La BCE pourrait donner l’exemple elle-même en abandonnant le principe de « neutralité de marché » (2) et en arrêtant de racheter aux banques des actifs des secteurs les plus émetteurs de GES.
Esther Jeffers, économiste atterrée
1 – bankingsupervision.europa.eu
2 – La neutralité de marché repose sur la croyance que les marchés sont efficients et que l’intervention de la BCE doit refléter la manière dont les capitaux sont répartis sur le marché.