Les paroles sont de Bernard Michel, complice de Henri Salvador qui les interprétera dans l’album Des goûts et des couleurs, paru en 1989. Hasard de l’histoire, qui ne dit pas si l’auteur s’est inspiré du fait : la première étude de faisabilité d’un barrage à Sivens, dans le Tarn, sort la même année. La lutte contre ce grand projet inutile et imposé, menaçant d’inonder plus de 12 hectares de zone humide, s’organise dès les années 2010. Elle fera naître la Zad du Testet. La portée militante de la chanson de B. Michel, légèrement adaptée, prend alors de l’ampleur.
Les recours juridiques, contre-expertises, enquêtes ne protègent pas la forêt de destructions, contre lesquelles a lieu la manifestation du 25 octobre 2014.
Initialement « populeuse et joyeuse » (1), elle se heurte aux forces de l’ordre munies de
« grenades offensives ». L’une d’elle – et la confusion pour la reconnaissance de ce fait aura duré deux jours de trop – tue le jeune militant Rémi Fraisse. Le projet est abandonné en janvier 2015.
Aujourd’hui et tant que courront les voleurs d’eau, la chanson, écrite sur un air traditionnel vénézuélien plutôt captivant, n’a pas fini de résonner dans les luttes contre barrages, mégabassines, retenues collinaires et autres inventions d’accaparement de la ressource. On l’a même entendue dans les Alpes, le samedi 22 juin, dans une version contre les JO de 2030, lors d’une manifestation organisée dans le cadre de “l’Après-route”, une semaine de mobilisation proposée par les collectifs de la coalition de La Déroute des routes.
Lucie Aubin
1 Récit du livre Tue-tête, petit kilo de chansons belles et rebelles.
Quelle version écouter ?
Sur l’internet mondial, en plus des interprétations par Henri Salvador ou la chanteuse Imani, allez jeter une oreille à cet émouvant arrangement, chanté par la chorale de Saint-Julien-Montdenis et proposé en ligne sur la chorale militante de Chambéry, l’Echo râleur-euse, par ailleurs pleine de ressources pour les chants de lutte.
Et ici, au micro de L’âge de faire, vous pouvez écouter une réécriture, chantée lors de la manifestation du 22 juin 2024, au col de Lus-la-Croix-Haute, à la croisée des départements de l’Isère, de la Drôme et des Hautes-Alpes. Cette manifestation dénonçait les travaux en cours sur la RD1075 et les JO annoncés dans les Alpes pour 2030, servant de prétexte supplémentaire auxdits travaux. D’où son titre : No travo, no JO !
Les paroles :
Ils détournent la rivière, là haut, là haut
Ils se moquent de nos misères, là haut, là haut
Si la soif nous affaiblit
Et si nos sources sont taries
Tous nos troupeaux
Vont périr l’un après l’autre, là haut, là haut
Il faut sortir nos fusils, là haut, là haut
Il faut lutter pour nos vies
Mais d’abord il nous faut parler
À ces gringos tantôt
Nos terres sont les plus fertiles, c’est l’eau, c’est l’eau
Et nous vivions si tranquilles, de nos travaux
Quand nous montions dans nos barques
Lorsque nous pêchions dans le lac
Heureux, heureux
Ils veulent construire un barrage, là haut, là haut
C’est la vallée qu’ils saccagent, là haut, là haut
Ils inond’ront nos villages
Et ils nous mettront dans des cages
Là haut comme des corbeaux
Nous devons les empêcher, là haut, là haut
De détruire nos foyers, si beaux, si beaux
Les adultes vont s’armer
Tous les enfants vont les aider
Il faut de l’eau, il faut de l’eau, il faut de l’eau, de l’eau
Ils nous montrent des contrats, c’est tout, c’est tout
Qui leurs donnent tous les droits, sur nous, sur nous
Ils veulent nous rayer du temps
Et puis du monde des vivants, pour de l’argent, l’argent
Que ferions-nous dans leur ville, tombeau, tombeau
Comme des tigres qu’on exile, au zoo, au zoo
C’est pourquoi jusqu’au dernier
Nous lutterons pour exister
Pour l’eau, pour l’eau, pour l’eau, pour l’eau
De l’eau, de l’eau, de l’eau
Ils détournent la rivière, là haut, là haut
Ils se moquent de nos misères, là haut, là haut
Si la soif nous affaiblit
Et si nos sources sont taries
Tous nos troupeaux
Vont périr l’un après l’autre, là haut, là haut
Il faut sortir nos fusils, là haut, là haut
Il faut lutter pour nos vies
Mais d’abord il nous faut parler
De l’eau, de l’eau, de l’eau