Eric Berr (économiste atterré).
Tandis que nous sommes toujours éclaboussés par les conséquences de l’éclatement de la bulle immobilière (la crise des subprime), une note de la Banque de France (1) nous signale que de nombreux risques pèsent sur le marché du crédit étudiant aux Etats-Unis. Nous y apprenons en effet qu’en 2012, 70 % des étudiants diplômés aux Etats-Unis avaient contracté ce type de crédit. Au total, ce sont 40 millions d’Américains qui ont un prêt étudiant, dont le montant moyen s’élève à 30 000 dollars et dont l’encours total atteint 1 100 milliards de dollars début 2014 (la dette étudiante est, après l’emprunt immobilier, la deuxième source d’endettement aux Etats-Unis). Le fait que 85 % de ceux-ci sont des prêts fédéraux à taux d’intérêt fixe et garantis par l’Etat amène l’auteur de cette note à conclure que, s’il existe bel et bien un risque pour les finances publiques en raison d’un nombre croissant de défauts, la faible titrisation de ces prêts fait que la dette étudiante ne constitue pas un risque du même ordre que les prêts subprime.
Les raisons de s’inquiéter sont pourtant nombreuses. En période d’augmentation du chômage, l’entrée sur le marché du travail est retardée et l’on prolonge souvent ses études afin d’accroître ses chances de décrocher un emploi conforme à ses attentes. Or, les droits d’inscription dans les universités américaines ont augmenté de près de 30 % entre 2006 et 2012, afin de compenser la chute de 85 % des revenus financiers des universités sur la même période et le désengagement des Etats.
L’accroissement du chômage et l’augmentation des droits d’inscription conduisent inévitablement à la hausse du crédit étudiant qui, à son tour, impacte négativement la consommation (celle des étudiants car les remboursements grèvent largement leur budget, mais aussi celle de leur famille car les étudiants endettés restent plus longtemps chez leurs parents). En outre, avec un système de retraite par capitalisation, les jeunes actifs américains ont également plus de mal à épargner en vue de leur retraite.
Afin d’enrayer cette spirale négative, le président Obama a décidé en juin 2014 d’étendre le programme d’aide au remboursement des prêts étudiants (pay as you earn) afin de permettre aux jeunes diplômés de plafonner à 10 % de leur revenu mensuel le remboursement de leurs prêts étudiants fédéraux. Si une telle mesure peut redonner un peu d’air à court terme, elle contraint toutefois les jeunes diplômés à demeurer endettés sur une longue période. Ce n’est certainement pas ainsi qu’on leur prépare un bel avenir.
1-Céline Mistretta-Belna, « L’accroissement de la dette étudiante aux Etats-Unis, source de fragilité économique ? », Bulletin de la Banque de France N° 197, 3e trimestre 2014.