Les mesures annoncées par le président des États-Unis, Joe Biden, représentent un tournant dans la politique économique américaine. Dans la situation particulière créée par la crise sanitaire, mais aussi par la prise de conscience des contraintes écologiques et de l’impasse du capitalisme mondialisé, ces mesures peuvent-elles aussi annoncer un tournant à l’échelle mondiale, une sortie du règne de 40 ans de la politique néo-libérale ?
Biden a fait revenir les États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat. Ainsi, les États-Unis, deuxième émetteur CO2, participeront à l’effort nécessaire et impulseront la recherche de solutions technologiques et économiques. Une planification écologique, un contrôle des stratégies des grandes entreprises apparaîtront vite nécessaire.
Les États-Unis reviennent au multilatéralisme en réintégrant l’OMC. Ils ne renoncent pas à réformer les règles du commerce international, qu’ils jugent trop favorables à la Chine. Mais cette réforme pourra être décidée collectivement. Chaque pays devrait pouvoir protéger ses choix en matière salariale, sociale, environnementale.
Hausse des impôts sur les plus riches
Naguère, l’objectif était la baisse des impôts, censés nuire au dynamisme économique. Elle était impulsée par la concurrence fiscale entre les pays, par l’optimisation fiscale permise par les paradis fiscaux. Ainsi, les grandes entreprises et les plus riches ont pu s’enrichir tandis que les États étaient paupérisés. La course à la baisse des impôts est finie. Les États-Unis vont remonter leur taux de l’impôt sur les sociétés (IS) de 21 à 28 %, le Royaume-Uni de 19 à 25 %. Biden s’est rallié à la lutte pour l’harmonisation fiscale, impulsée par l’OCDE. L’objectif est que toutes les entreprises paient un taux minimal de l’IS (de l’ordre de 21 %). Reste à s’entendre sur la répartition de l’impôt entre les pays producteurs et les pays consommateurs.
Enfin, après un plan de relance de 1 900 milliards de dollars, Biden envisage un plan de 3 000 milliards pour mettre à niveau les infrastructures publiques, impulser la transition écologique et améliorer le niveau de vie des familles pauvres. Il brise quatre tabous du néo-libéralisme : il accroît les dépenses publiques ; il augmente les impôts sur les plus riches et sur les entreprises ; il ne se préoccupe pas du déficit public. Il n’hésite pas à relancer fortement la demande, en acceptant le risque d’une hausse de l’inflation, pour impulser le dynamisme de l’économie et augmenter le taux d’emploi.
L’UE et les pays membres auront-ils le courage de s’engager dans ces voies ou resteront-ils prisonniers de dogmes dépassés, au risque de décrocher encore par rapport aux États-Unis ?
Henri Sterdyniak, économiste atterré