À Briançon, dans les Hautes-Alpes, l’association Éko! organise des ateliers de découverte pour les exilés. Au menu : apiculture, maraîchage, soudure… Une manière pour eux de sortir du quotidien, d’être autonomes et de bricoler ensemble. Reportage dans le joyeux potager d’Éric.
Planter des graines et semer de nouvelles idées. Voilà le leitmotiv de l’association Éko!, engagée en faveur des réfugiés de Briançon. Aujourd’hui, les bénévoles organisent un atelier maraîchage, à Puy-Saint-André. À plus de 1500 mètres d’altitude, Éric accueille durant deux jours plusieurs personnes sur son hectare de potager, pour leur faire partager le travail de la terre. Le maraîcher-aide-soignant, 52 ans, cheveux bouclés, queue de cheval et sourire greffé aux lèvres, « travaille plus de 70 heures par semaine », mais n’a pas hésité une seconde à faire découvrir son paradis sans pesticides.
Sous la serre, Fatou, de Gambie, et Anta, qui arrive du Sénégal, remplissent en musique et en wolof des pots de terre pour préparer les semis de betterave. À côté, Éléa, stagiaire de Éko!, bricole un four solaire avec une couverture de survie et de la laine de bois récupérée chez une dame, engagée au refuge Chez Marcel, à Briançon. « Ce sont souvent des connaissances de connaissances qui nous donnent des choses pour préparer les ateliers, car on a très peu de moyens. »
« J’ai découvert la paysannerie »
À chaque fois, une bonne vingtaine de personnes participent aux différents ateliers proposés. Depuis le début de l’été, les exilés (mais pas que) ont ainsi pu découvrir l’apiculture, construire un mur en pierre sèche, planter des patates, fabriquer un chauffe-eau solaire. Tous ensemble. « Durant l’atelier soudure, Souleymane a découvert cette technique et il était vraiment passionné. On n’arrivait plus à le décrocher. Aujourd’hui, il aimerait bien être soudeur », explique Marjolaine Bert, fondatrice du projet Low-tech & réfugiés, et présidente de l’association Éko! « En Gambie, je viens d’un milieu citadin. Aujourd’hui, j’ai découvert la paysannerie et ce très beau lieu. J’ai adoré ce moment », précise Fatou.
« On n’a pas besoin de parler la même langue pour bricoler ensemble »
Midi approche. Trois apprentis-jardiniers débarquent pour préparer le repas et donner un coup de main. Cédric de Côte d’Ivoire, Fatty de Gambie et Hamidullah d’Afghanistan rejoignent Éric dans son potager. Le maraîcher en profite pour nous faire goûter des feuilles de coquelicot. « Hé ho, je ne mange pas ça moi, je ne suis pas une brebis ! », se marre Cédric. On commence à arracher quelques carottes blanches, jaunes, rouges ou violettes. « Elles sont un peu comme nous, ces carottes : de toutes les couleurs et très bonnes, très saines », sourit Éric. Toute la joyeuse équipe se réunit enfin. Autour de la table, on rit, on se rencontre. On se dévoile un peu aussi.
Le maraîcher lance :
« Si là, ce n’est pas le paradis. Je suis tellement content de vous avoir tous ici. »
En plus de créer du lien, l’association Éko! sensibilise les participants à l’impact environnemental.
« Je suis très intéressé par ces ateliers parce qu’ils présentent des métiers dont les humains et la planète ont besoin. C’est aussi un moyen d’apprendre à s’en sortir avec peu de moyens financiers », souligne Boubacar, exilé malien.
« Les migrants sont souvent réunis entre eux dans les refuges solidaires. Avec ces ateliers, on apprend en faisant, on amène du positif », se réjouit Marjolaine. Au début de l’été, le premier atelier organisé dans le Briançonnais avait accueilli 23 participants de 14 nationalités. « En plus, on n’a pas besoin de parler la même langue pour bricoler ensemble. »Après la pause, on rattaque. Armés de fourches, c’est le moment de retourner le gros tas de compost d’Éric. Le maraîcher explique alors le principe de décomposition des végétaux. « Il ne faut pas avoir peur de toucher la terre. C’est très agréable en plus », explique-t-il en plongeant ses pognes dans une brouette de terreau. À côté de nous, le coq Cocovid et les poules caquettent en paix dans leur « cabane-caravane » trois étoiles. Fatou, Marjolaine et Constance, stagiaire franco-anglaise de l’association, attrapent une gallinacée pour la caresser. Les humains, les végétaux, les animaux… Chez Éric, tout ce qui est vivant a la belle vie. Tant qu’il y a des sourires. Et des bras prêts à pailler les poireaux.
Clément Villaume
> À Briançon ou ailleurs, l’association Éko! cherche de nouveaux bénévoles pour proposer des ateliers ou du matériel.
Contact : Marjolaine Bert – 07 83 91 59 52
contact@asso-eko.org