Par Henri Sterdyniak, économiste atterré.
Le budget 2016 s’inscrit dans la continuité d’une politique qui a jusqu’à présent échoué, tant à faire baisser le niveau de chômage qu’à impulser la transformation écologique et sociale. Le gouvernement se soumet à une double contrainte : celle des instances européennes et du Medef.
Depuis 2011, les gouvernements successifs ont ajouté au choc de la crise financière celui d’une politique d’austérité. Aussi, l’économie ne s’est pas relevée de la crise financière ; la croissance a été médiocre de 2011 à 2014 (0,4 % l’an en moyenne). La faiblesse de la demande a provoqué un affaiblissement continu du secteur productif. Le gouvernement espère une légère reprise en 2016 (1,5 % après 1 % en 2015), qui serait permise par une forte croissance de l’investissement des entreprises (+4,9 % en 2016), mais celui-ci reste atone (+1 % sur un an à la mi-2015) alors que l’investissement des ménages et celui des collectivités locales se sont effondrés. Pourtant, le gouvernement persiste : malgré une croissance fragile, il se donne comme objectif de réduire le déficit public de 0,5 % du PIB en 2016 (soit de 11 milliards d’euros).
Par ailleurs, il a promis de réduire de 40 milliards les impôts sur les entreprises. En 2016, celles-ci bénéficieront d’une nouvelle baisse de 6 milliards. Par contre, les impôts sur les ménages augmenteront de 3 milliards. Soit 5 milliards de hausse (cotisations sociales, impôts locaux, taxe sur l’électricité) et 2 milliards de baisse de l’impôt sur le revenu. Ainsi, le gouvernement réduit l’impôt progressif, le plus juste, celui qui tient le mieux compte de la situation du contribuable.
C’est surtout la baisse des dépenses publiques (16 milliards) qui financera la réduction du déficit et les baisses d’impôts des entreprises. Pour l’Etat, la baisse des dépenses publiques (5 milliards) se traduit par la non-indexation des salaires de la fonction publique ; les créations d’emplois dans l’éducation (et l’armée) sont compensées par des baisses dans les ministères de l’écologie, du travail et des finances (tant pis pour l’environnement, pour la lutte contre le chômage et la fraude fiscale). Les réductions de dépenses frappent l’aide au développement, le logement et la politique sociale. La nouvelle baisse des dotations aux collectivités locales se traduit par une hausse des impôts locaux (les plus injustes) et une baisse de leurs dépenses (3,5 milliards) qui frappera les activités locales, sociales et culturelles. La baisse des dépenses sociales (7,4 milliards) passe par des réductions des retraites, des prestations familiales et des allocations logement, qui pèseront souvent sur les plus pauvres. Enfin, le gouvernement compte cyniquement sur les économies de prestations chômage que le Medef réussira à faire accepter aux organisations syndicales lors des négociations à l’Unedic.
Ainsi, le gouvernement compte sur des miracles extérieurs pour faire repartir l’économie (la baisse de l’euro, celle du prix du pétrole), cela malgré la menace de ralentissement mondial induit par le freinage des pays émergents. Il compte sur la bonne volonté des entreprises qui en demandent toujours plus, sans relancer l’emploi ou l’investissement. Enfin, il accentue la baisse des dépenses publiques au risque de nuire à l’activité et à la cohésion sociale.