Le Budget 2022, le dernier du quinquennat Macron, marque la transition entre la période de crise sanitaire et le « retour à la normale » qui s’enclenche progressivement. C’est aussi l’heure du bilan : le quinquennat peut se partager en trois périodes : la mise en œuvre de son programme néolibéral de juin 2017 à fin 2018 ; le tournant social imposé par le mouvement des Gilets jaunes de début 2019 à mars 2020 ; puis la période de la crise sanitaire marquée par la stratégie du « quoi qu’il en coûte ».
Contrairement à un authentique libéralisme, le néo-libéralisme signifie que l’État intervient en permanence pour soutenir les entreprises, pour leur garantir un taux de marge satisfaisant, pour aménager les institutions à leur guise (réduction du droit du travail). Ainsi, l’État instaure une « sécurité sociale » du patronat et des actionnaires, comme on a pu le constater durant la crise sanitaire. En même temps, dans un pays démocratique où la population est attachée à l’État social, le gouvernement ne peut attaquer celui-ci de front, de sorte que les réformes restrictives (retraites, chômage) ne peuvent être prises que progressivement et cohabitent avec quelques avancées réelles (Ségur de la Santé, dépendance). Ce sera particulièrement le cas d’ici les élections présidentielles d’avril 2022.
Les dépenses publiques sont utiles…
Au total, les gouvernements Macron auront réduit les recettes publiques de près de 55 milliards par an (2,3 % du PIB) ; aucune contrepartie n’a été demandée à la baisse des impôts des entreprises (25 milliards par an) alors qu’il faudrait organiser et financer la réindustrialisation et la transition écologique. La baisse des impôts des ménages profite surtout aux plus riches (avec le prélèvement forfaitaire unique et la suppression de l’ISF, et même celle de la taxe d’habitation étendue en 2021-23 aux 20 % des ménages les plus aisés). L’autonomie financière des collectivités locales a été mise à mal.
Les gouvernements Macron n’ont pas réussi à enclencher la forte baisse des dépenses publiques que Macron envisageait ; le nombre de fonctionnaires sera stable alors que Macron voulait le faire baisser de 120 000 ; les dépenses de santé sont plus élevées de 0,8 % du PIB en 2022 par rapport à 2019. Macron s’est heurté à la réalité : les dépenses publiques sont utiles et ne peuvent être facilement réduites.
Le budget 2022 comporte un déficit de 4,8 % du PIB, induit par les baisses d’impôt. La dette publique atteindra 114 % du PIB. En 2023 va éclater la contradiction entre la politique de soutien aux entreprises et les Traités européens, si ceux-ci sont remis en vigueur. La France sera loin de la norme d’une dette de 60 % du PIB. Le risque est que les gouvernements futurs en tirent prétexte pour réduire fortement les dépenses sociales.
Sylvain Billot, Anaïs Henneguelle, Henri Sterdyniak, économistes attérés