Le gouvernement a inauguré, en mars 2016, de nouveaux dispositifs de financement de l’action sociale. Les Social impact bonds, rebaptisés en français «Contrats à impact social» (CIS).
Les CIS sont apparus au Royaume-Uni en 2010 lors de « l’obligation Peterborough », qui visait à diminuer de 7,5 % sur 5 ans le taux de récidive d’un groupe de 2 000 détenus. Ainsi de nombreux programmes de ce type se sont ensuite développés en Europe et aux États-Unis.
En France, depuis 2016, une dizaine de contrats « à impact social » ont été signés. Les CIS sont désormais portés par Martine Pinville, Secrétaire d’État, et soutenus par le Président Macron qui, dans une lettre pour l’Économie sociale et solidaire datée d’avril 2017, s’engage à poursuivre : « le déploiement de toutes les solutions en matière d’investissement à impact social pour financer, grâce à des partenaires privés, des expérimentations de programmes sociaux de prévention innovants ».
Les CIS mobilisent trois acteurs : l’État, un acteur social et un financeur. L’État et la structure retenue se fixent des objectifs de résultats. S’ils sont atteints, les investisseurs seront remboursés et percevront un intérêt pour le risque pris. Dans le cas contraire, les investisseurs ne toucheront théoriquement rien, si ce n’est qu’ils pourront défiscaliser leur investissement.
L’apparition de ces entrepreneurs sociaux financés par le marché financier est le résultat du processus de contractualisation de l’action publique entamé depuis plusieurs années. Cette transformation de l’action publique va de pair avec la financiarisation de l’économie au sein de laquelle la « finance sociale » désigne la mobilisation de capitaux privés pour atteindre des objectifs sociaux prioritaires et spécifiques.
La finance sociale offre ainsi la possibilité aux investisseurs de financer des initiatives sociales qualifiées « d’innovantes » au profit de la société. Parmi ces nouvelles formes de financement se trouvent les CIS.
Accentuation des inégalités
Cependant, l’utilisation par l’État d’un tel instrument de financement est lourde de conséquences. La finance sociale accentue la mise en concurrence des différentes structures de l’action sociale, prive les structures de financements pérennes en les obligeant à répondre continuellement aux appels à projets.
Fragilisant les plus petites et, surtout, diminue le pouvoir de contrôle de l’État sur l’action sociale.
Qui plus est, elle risque d’introduire un processus de « sélection adverse » : afin d’obtenir une rentabilité plus forte ou de meilleurs résultats, on choisit d’aider ceux qui sont le moins en difficulté. Le risque est donc d’accroître encore les inégalités au sein même des populations les moins favorisées.
Tout le dispositif repose sur l’évaluation de l’action sociale, puisque les gains réalisés par les investisseurs dépendent de l’évaluation des résultats au regard des objectifs.
Or, l’action sociale est particulièrement difficile à évaluer, notamment parce que cette action s’inscrit dans un temps long, contrairement aux CIS qui ont une durée limitée.
[Sur les CIS, lire aussi la chronique des Économistes Atterrés de L’âdf n° 123]
Par Nathalie Coutinet, des Économistes Atterrés
Sommaire du numéro 132 – Eté 2018 :
- EDITO : Grande campagne d’abonnements
- Théâtre au collège : « On rit à leurs blagues, on rêve avec eux »
- Morbihan : le poète ferrailleur
- Islande : paradoxes du renouvelable
- Syrie : le féminisme du ROJAVA
- Spectacle : il chante, elle signe
- Reportage : La Poste a algorithmé mon facteur
- Le guide de la construction en terre crue
- Actu : répression à Bure
- Grrr ondes : habiter un micro-ondes
- Alpes : une marche contre les frontières
- Longwy : histoire d’une « République populaire » de sidérurgistes
- Fiches pratiques : Tester une terre pour construire / Le frigo du désert