Au collège Sylvain Menu, à Marseille, un groupe d’élèves a installé des poules nourries par les déchets de la cantine, demandé que des repas végétariens soient expérimentés, travaille sur les modes de transport…
Le 15 mars, les jeunes étaient mobilisés sur le réchauffement climatique.
C’est la récré au collège Sylvain Menu, dans le neuvième arrondissement de Marseille. Mathilde, Bérénice, Julie, Maxence, Antoine, Juliette et Camille poussent la porte du CDI.
Ils (et surtout elles) font partie de la trentaine d’éco-délégué·es du collège – ces élèves volontaires pour faire avancer l’écologie au sein de leur établissement. Nous sommes à quelques jours du 15 mars, jour de grève scolaire pour le climat suite à l’appel de la jeune Suédoise Greta Thunberg.
Il n’y aura pas de grève au collège Menu, mais des brassards verts que les éco-délégué·es proposent à leurs camarades, « pour montrer votre volonté de changement pour un avenir meilleur », disent les affiches collées dans les couloirs et la cour de récré.
Des membres du groupe vont passer dans les classes de sixième pour expliquer la démarche. Et Juliette prononcera, au micro de la loge qui retentira dans tout le collège, un discours écrit par Bérénice.
Élèves de quatrième pour la plupart, ces ados prennent l’affaire très au sérieux. Les mots se bousculent autour de la table : difficile de ne pas parler en même temps quand on a tant de choses à dire !
- On a lancé ça à cause de l’urgence de faire quelque chose pour plus tard.
Beaucoup trouvent que ça ne changera rien. Mais s’il n’y a pas de début, il ne se passera jamais rien. - Il faut ouvrir les yeux face à toutes les catastrophes d’aujourd’hui et celles à venir, les îles englouties, les ouragans.
- C’est aux jeunes de convaincre les plus vieux.
- À un moment, il faut aller à l’encontre des gouvernements qui ne font rien.
- Dans ce monde, c’est que l’argent. S’il n’y a pas d’intérêt financier, rien ne se fait.
- Quand on trie, c’est bien, mais c’est juste un petit geste. Il faut choisir ce que l’on consomme pour obliger les supermarchés à changer.
- Mais il faudrait aussi obliger les usines ! Il faut un nouveau système…
Des composteurs, une mare, une ruche…
Sans attendre ce nouveau système, les jeunes ont mis en œuvre une série d’actions dans leur collège, avec l’aide de quatre enseignant·es qui les accompagnent tout au long de l’année.
Les éco-délégué·es existent depuis dix ans au sein de l’établissement. Les premières initiatives concernaient le tri du papier, puis des bouchons de stylo, des cartouches d’encre, des piles…
La démarche s’est élargie avec l’installation de composteurs qui recueillent les déchets végétaux de la cantine et des enseignant·es qui le souhaitent. Le terreau obtenu est utilisé en cours d’horticulture par les classes de Segpa (Section d’enseignement général et professionnel adapté) qui cultivent sur place un petit potager.
Les élèves de Segpa sont également impliqués dans la création d’une mare.
Nous organisons des sorties communes entre les éco-délégué·es et les classes de Segpa.
Une partie des éco-délégué·es sont des élèves précoces qui connaissent les mêmes difficultés d’intégration que les Segpa. Il y a aussi deux élèves en fauteuil. Ce groupe est très solidaire, le travail commun crée de l’émulation et permet de dépasser les clichés.Béatrice Reichmüth, professeure d’horticulture.
Un hôtel à insectes, des nichoirs pour les oiseaux, une prairie fleurie sauvage, une ruche pédagogique… Le parc du collège se prête bien à ces expérimentations.
« Nous allons toujours un peu plus loin ! La prochaine étape, ce sont les arbres fruitiers et les plantes mellifères», se réjouit Béatrice Reichmüth, qui prépare également, avec ses élèves, la plantation de chênes verts.
Juliette, Antoine et leurs camarades sont à l’origine de l’installation de deux poules dans un enclos proche du réfectoire. L’année dernière, les élèves ont planché sur le projet : coût du grain distribué aux volailles le week-end, organisation de la garde des poules pendant les vacances scolaires, construction du poulailler…
Chaque jour, un duo passe à la cantine pour récupérer les restes destinés aux animaux, et se partage les œufs.
On a aussi un bac, à la cantine, où vous pouvez mettre votre yaourt que vous ne voulez pas. Quelqu’un qui a faim peut le manger, ça évite de jeter, Et on a proposé d’essayer les repas végétariens. Maintenant, il y en a de temps en temps.
Les élèves
Le groupe s’est mobilisé pour rendre plus accueillants les abords du collège, et éviter que les voitures ne se garent devant le portail.
Pour l’instant, le département et la mairie ont refusé leurs projets de marquage au sol, mais les jeunes ne se découragent pas :
« On pourrait leur faire une lettre pour qu’ils incitent la population à d’autres modes de déplacement. On n’est pas assez bien desservis par les bus. »
Lisa Giachino
Numéro 140 : avril 2019
Au sommaire du numéro 140 :
- EDITO : manifester, dangereux ?
- Climat : « c’est aux jeunes de convaincre les vieux »
- Courrier et concombres
- Burkina Faso : Jardins de santé
- Congo : l’homme qui répare les femmes
- Isère un commissaire-enquêteur lance l’alerte
- Livre : Bill Gates philanthro-capitaliste
- Film : territoires zéro-chômage
- Le poster : le tempérament des arbres
- Actus : fini les directeurs d’écoles ? L’affaire Adama Traoré relancée
- La toile bien tissée de Cédric Villani
- Lorgnettes : la galère des délogés de Marseille
- Et bien, fusionnez maintenant !
- L’atelier au jardin, rubrique à bec, la pause Qi Gong, jouons z’un brin
- Le forum
- Fiches pratiques : construire une kerterre