Une quinzaine d’éleveurs·euses, pour valoriser la laine de leur troupeau, contribuent à la production de chaussettes, couettes, oreillers… au sein de l’association La Sarriette. Mais leur aventure est beaucoup plus qu’une simple histoire de laine.
Qu’est ce qui est bicolore, rayé ou à losanges, qui tient chaud et ne gratte pas ? Vous donnez votre langue à la brebis qui n’est pas galeuse ? Ce sont les chaussettes de la Sarriette, en laine « paysanne et coopérative », issue de Mérinos et Mourerous qui ont traîné leurs sabots dans le quart Sud-Est de la France, de pâturages en alpages, au gré des transhumances. 6500 paires de chaussettes ont été produites en 2021 avec la laine de 11 troupeaux appartenant à une quinzaine d’éleveurs·euses de l’association La Sarriette. À l’image de Margot et Simon, dans les Alpes-de-Haute-Provence, qui ont rejoint l’association en 2019 avec l’envie de voir « pousser des chaussettes dans les toisons de nos copines », ils ont tous cette même idée derrière la tête. Ce n’est pas que leur métier ne leur suffise pas mais, comme le dit Barbara, qui a lancé l’association en 2015 avec quelques autres : « j’avais envie de valoriser tout ce que produit le troupeau. » Pas seulement la viande. « C’est parti des filles, mais les mecs ont tout de suite suivi ».
Six ans plus tard, la motivation de départ n’a pas pris une ride. « La laine, il faut se la réapproprier, c’est urgent. Sur le plan social et écologique, insiste Claire, éleveuse de Caussenardes des garrigues, en Ardèche. C’est une vraie ressource dans l’état actuel du monde. » Julie, qui élève un petit troupeau de Mérinos, en Drôme, dans le Haut-Diois, a rejoint La Sarriette aussi pour le plaisir de travailler de manière artisanale la laine, « une matière qu’elle aime » et qui lui a donné envie de se former avec d’autres de l’association. Elle a quitté la commission chaussettes pour apprendre à fabriquer des couettes avec la laine de Claire, courte et gonflante, et s’initier au cardage sur une machine récupérée dans une filature qui a fermé. Bientôt, elle compte se lancer dans la confection de semelles en feutre.
« La laine, c’est ce qui nous rassemble »
Chaque année, les jours de tonte, les éleveurs·euses forment des petits groupes par proximité géographique et organisent des chantiers collectifs les uns chez les autres pour trier la laine qui sera vendue ou donnée à La Sarriette. « On récupère délicatement la toison dès que la brebis est tondue, explique Claire. On la déroule sur la table de tri composée de lamelles de bois reliées par des courroies. Ainsi, la laine courte et les déchets végétaux tombent entre les lamelles. On dépose ensuite la toison dans de gros sacs. Les enfants sautent dedans pour tasser la laine ! » Et s’en donnent à cœur joie, comme les grands qui ne boudent pas le plaisir de ces retrouvailles. L’album photo raconte les rires, le plaisir de trinquer et une grande envie de faire ensemble. Ils reconnaissent qu’ils n’ont « pas de brouillon, pas forcément de méthode, pas de business plan », mais des partages qui tiennent chaud au cœur.
Des A G qui durent deux jours, « des grosses bouffes »…, « on est capable de discuter pendant 8 heures et les enfants sont au milieu », raconte Barbara. L’association a récemment organisé une réflexion collective avec l’aide d’une facilitatrice pour permettre à chacun d’affiner et d’exprimer les raisons pour lesquelles il ou elle était dans l’association.
« On n’a pas vocationà gagner de l’argent »
La perspective de grossir ou pas a été questionnée. « Au-delà de la belle idée de la valorisation de la laine, on s’est rendu compte qu’on voulait être entre copains. On n’a pas vocation à gagner de l’argent avec La Sarriette. » Effectivement, la laine vendue à l’association ne rapporte presque rien aux éleveurs·euses une fois la tonte payée. Une paire de chaussettes vendue à 18 euros, coûte en frais de production autour de 13 euros qui servent à payer la laine, le fonctionnement de l’association et les sous-traitants : la laine est lavée aux Laines du Gévaudan, en Haute-Loire ; elle est filée à la Filature du parc, teinte chez Plo et tricotée chez Missègle, dans le Tarn. La vente des chaussettes, le produit phare, mais aussi des couettes, des oreillers, des semelles, du fil à tricoter… permet de financer l’emploi de Marie qui « chapeaute le tout » depuis 2018. Resteront-ils associatifs ou choisiront-ils de créer une petite entreprise coopérative, ce qui fait peur à certains ? Une certitude : ils ont envie de continuer « à cheminer ensemble » et ne veulent laisser personne sur le côté.
Nicole Gellot
Contacts : lasarriette-laine.com
La Sarriette, ruelle des remparts, 06420 La Tour.
06 45 04 05 08