Très cher Pierre,
Te rappelles-tu de notre premier rendez-vous ? Nous étions là, assis, l’un en face de l’autre, avec nos deux regards tendres. Entre nous, une douce tension. Et un contrat d’assurance allongé lascivement sur ton bureau. Tu m’as demandé mon revenu fiscal de référence. Tu étais beau.
Quelques jours auparavant, au bout du fil, tu m’avais proposé un « livret de développement durable et solidaire ». J’étais comblé. J’allais enfin sauver la planète grâce à mon chiche pécule. En plus, le taux est intéressant. Et les retraits sont libres. Et c’est exonéré d’impôts sur le revenu. En plus, ce portefeuille permet de financer des entreprises toutes plus vertes les unes que les autres, mais impossible pourtant de mettre la main sur cette fichue liste. Il fallait voir avec ta hiérarchie. Plus haut, ils savaient.
Dès le début de notre relation épistolaire, tu as toujours été là pour moi. Tout a commencé par une fleur que tu m’avais faite. J’étais un peu dans la dèche et tu m’avais fait l’honneur de ne pas appliquer « une commission d’intervention de 8 € sur mon découvert ». Puis, tu m’avais appelé illico quand je t’avais menacé de retirer tout mon argent. Tu avais encore réussi à retrouver mon numéro pour me proposer de prendre une part dans ta banque mutualiste. Parce que le Crédit mutuel « appartient à ses clients. Et ça change tout. »
Mais depuis, plus de nouvelles. Tu m’as pourtant dit que tu allais te renseigner auprès de tes gentils dirigeants. Je m’inquiète. Pourquoi tu ne me réponds plus ? J’ai besoin de savoir. Réponds-moi vite. Je t’aime.
Il faut dire que j’ai toujours eu une fascination pour les banquiers. Ces gens qui collectent l’argent des pauvres pour le prêter à d’autres pauvres, en se tirant un joli salaire au passage. Tout en nous faisant miroiter des taux très avantageux.
L’idée commence à dater. En France, l’entourloupe commence vraiment au XVe siècle avec un dénommé Jacques Cœur. Comme son nom l’indique, lui aussi est rempli d’amour. Très jeune, il fait son beurre en devenant armateur et banquier. Il se lance dans le négoce international, chope le monopole du transport maritime dans toute la Méditerranée. Puis, il achète une maison secondaire au Touquet, avant de devenir le Grand argentier du royaume de France, l’équivalent de notre ministre de l’économie à l’époque. Tiens, il me fait vaguement penser à quelqu’un…
Aujourd’hui, c’est toi qui es devenu le ressort de ce monde que l’on n’aime pas. Au service du souverain et de l’argent. Même sans ta cravate autour du cou, c’est un peu toi qui « donnes le La » de la mondialisation ambiante.
Alors, non, ton « livret de développement durable et solidaire » ne m’intéresse pas des masses, finalement. Je me dis que pour sauver la planète, on a les moyens d’être un chouïa plus efficaces. En 2010, Éric Cantona appelait les citoyens à « la panique bancaire » : en gros, on retire toutes et tous notre argent des banques en même temps. Ne reste plus qu’à regarder gentiment l’effondrement du système monétaire. Ce n’est sûrement pas la solution miracle, ça pourrait même accentuer les inégalités sur le coup, mais qu’est-ce que j’aimerais que ce soit toi qui me fasses les yeux doux.
Ton dévoué client-sociétaire,
Clément Villaume
Clément , connais tu LaNef : L’argent que tu déposes est utilisé uniquement pour des projets dans le bio, le renouvelable, le culturel et le social
C’est aussi une coopérative de 40 000 sociétaires où les sociétaires qui le veulent peuvent s’investir , faire connaître la Nef, mais aussi rencontrer les salariés et les responsables du directoire et du conseil de surveillance
François