Le Raf, Réseau pour les alternatives forestières, a fêté ses 15 ans les 23 et 24 juin, lors de son assemblée générale. L’occasion de présenter les branches locales qui poussent depuis deux ans.
« Une branche peut avoir déjà ses rameaux, on peut voir le truc en fractale, en ramification. » Max, bûcheron dans le Clunisois, parle des « branches locales » du Réseau pour les alternatives forestières, le Raf, dont il est administrateur depuis un an. Pour une association qui œuvre dans le vaste domaine du bois et de la forêt, s’imaginer comme un arbre semble évident, même s’il ne s’agit pas de « se bloquer dans les métaphores » pour envisager la structure. Voilà 15 ans, au sein de l’association d’éducation populaire Relier, naissait une volonté de plusieurs acteurs de la filière bois et d’amoureux de la nature, de coopérer et transmettre des expériences et des connaissances pour une « forêt vivante ». Le Raf initiait alors « une dynamique similaire à Terre de liens » et « un mouvement écologique et social lié à la forêt »*. Cette année, en fêtant son anniversaire, l’assemblée générale a notamment mis en avant les branches locales qui se créent depuis 2020 en périphérie de la coordination nationale. C’est d’ailleurs avec la branche Sud Isère qu’a été organisé l’événement, sur le plateau du Trièves, au sud de Grenoble.
L’appui du tronc commun
« En 2019, la médiatisation de la question forestière devenait telle que le fonctionnement du Raf en tant qu’association ancrée nationalement ne tenait plus. Le terme “branches locales” a émergé pour parler d’entités qui seraient autonomes. Nous ne souhaitons pas créer des succursales mais des antennes locales, un relais identifié pour rediriger une partie des sollicitations que l’on reçoit, vers les territoires concernés », explique Max. Six branches ont commencé à se déployer pleinement : en Bretagne, en Normandie, en Ile-de-France, dans les Ardennes, le Sud Isère et dans le Périgord Noir. Il faut être un collectif, soit plus d’une personne, et adhérer aux valeurs de la Charte pour des forêts vivantes. Chaque antenne a sa propre forme : à Brocéliande-Penhoët, c’est Sylv’n Co, association de citoyen·nes professionnel·les de la forêt ou non, qui constitue la branche. Dans le Périgord Noir, Lucile est potière mais aussi l’une des référentes locales du Raf, pour une branche qui comprend une vingtaine d’acteurs locaux, individus ou structures « contents d’avoir une valeur commune déjà faite ». En Ile-de-France, c’est « une quarantaine de personnes, indépendants, associatifs, institutionnels, pro ou non de la filière bois », qui constituent la branche, selon Jesse, référent et charpentier « volant ».
Pour Camille, charpentière dans le Sud Isère, s’inscrire dans un réseau local lui-même porté nationalement, l’aide : « Je me sens forte quand on est en groupe, quand je vois qu’il y a plein de dynamiques. » Lucile, elle, voit « une manière de concrétiser le lien avec le réseau national et de faire des rencontres inter-acteurs sur le terrain ». Yann, de Sylv’n Co, ajoute : « Ça nous apporte des outils de communication externe et interne, de la visibilité, une légitimité auprès des instances. C’est une histoire de confiance, à construire avec le réseau. » Celui-ci essaime et, inversement, les branches le dynamisent, se coordonnant entre elles ou créant des événements locaux, comme des rencontres régionales.
Ce maillage a demandé cette année de mettre à jour quelques « engagements réciproques ». Selon les territoires, les problématiques changent et certaines pratiques a priori hors des valeurs du Raf, peuvent être discutées. « On s’est dit qu’il fallait faire une assemblée où on pousse notre démocratie participative, et reposer quelques termes sur lesquels on s’accorde », explique Alicia, coordinatrice salariée du réseau.
Ça branche donc ça bourgeonne
Les réflexions ont donc abouti à définir des « Go » et « No go » : rester ouvert, tendre vers la charte, se former et s’informer… Ne pas assigner la forêt à une seule fonction économique, être contre la compensation carbone, les coupes rases… Garder une vigilance aux discriminations sociales, raciales, sexistes, apparemment fort présentes dans le milieu, alors qu’au Raf comme ailleurs, les bûcheron·nes sont sensibles, comme en témoignait la soirée slam « tronçonneuse » et ses textes personnels, énervés ou amoureux, sur la forêt et les travaux que l’on y fait.
Si en Bretagne comme dans le Puy-de-Dôme, et plus précisément le Livradois, « il semblait évident » de répondre à la demande du Raf, certains adhérents se posent encore la question d’assumer ce rôle de relais locaux. En Ariège, par exemple, « la problématique est comme renversée : plein de gens coopèrent déjà, avec les mêmes valeurs que le Raf. On n’a pas besoin d’être mis en réseau », résume Fabrice Couteau. Aussi, des freins existent « selon que la branche s’envisage en plaine ou en montagne et selon les compétences en organisation collective des personnes sur place », résume Matthieu, administrateur. Pour autant, de nombreux « bourgeons » de branches étaient présents à l’AG. Un événement regroupant les alternatives forestières se prépare pour 2024, signe que le réseau continue bel et bien de grandir.
Lucie Aubin
* Vivre avec la forêt et le bois, portraits d’acteurs engagés, Pascale Laussel, Raf, éd. Relier, 2014.