Une étude de l’Inserm nuancerait les effets négatifs des écrans sur le développement cognitif des enfants. Il faudrait surtout nuancer la communication qui en a été faite.
Tempête sous les crânes technophiles, mi-septembre, suite à la publication, dans la revue scientifique The Journal of child psychology and psychiatry, d’une étude de l’Inserm portant sur l’impact de l’exposition aux écrans des enfants de 2 à 6 ans sur leur développement cognitif. Le magazine Le Point résume assez bien le propos et l’emballement médiatique qui a suivi cette publication : « Les écrans sont mauvais pour le développement des enfants. Tout le monde le dit… Sauf que la réalité est bien plus complexe et nuancée. » Bonne nouvelle pour tous les parents dont les gosses sont drogués à la lumière bleue ? Pas si vite… L’étude ne fait en réalité que valider ce que nous savions déjà : les écrans perturbent le développement cognitif des enfants. Magnanimes que nous sommes, nous allons trouver au moins deux excuses aux médias qui ont participé gaiement à cet emballement…
1/ depuis des années, toutes les études démontrent un effet délétère des écrans sur le développement des enfants. Enfin une qui semble nuancer le constat ! 2/ la communication de l’Inserm autour de cette étude suggère elle-même que le temps d’exposition des marmots n’est finalement pas si important que ça. Or, cette étude nuance-t-elle tant que ça les vérités d’hier ?
Communication malhonnête
Ce n’est pas ce que pense Servane Mouton, docteure en médecine, neurologue, neurophysiologiste, spécialisée en psychopathologie des apprentissages et coordinatrice de l’ouvrage Humanité et numérique*. « Je n’ai pas été particulièrement surprise en lisant cet article. En revanche, c’est la communication qui en a été faite autour par l’Inserm que j’ai trouvée assez désarmante… L’étude nous dit que les effets délétères des écrans peuvent être pondérés par d’autres éléments, comme le milieu socio-éducatif des parents, ou le fait d’avoir des discussions au cours des repas plutôt que de manger devant la télévision. Mais le développement d’un enfant repose sur son environnement global, qui comprend des éléments positifs et des éléments négatifs. Les éléments positifs vont toujours compenser en partie les éléments négatifs – et heureusement ! –, mais ce n’est pas propre aux écrans. »
La docteure estime que certains aspects communicationnels sur cette étude sont troublants, voire malhonnêtes. « On laisse notamment entendre que le temps d’écran ne serait pas un paramètre si important par rapport à d’autres facteurs affectant le développement de l’enfant. Mais justement, l’exposition aux écrans altère la qualité et la durée du sommeil, et fait également baisser la pratique d’activités sportives ou culturelles ! » Résumons : l’environnement d’un enfant n’est pas uniquement constitué d’écrans, ce n’est donc pas le seul paramètre à prendre en compte. Mais – et c’est confirmé pour la énième fois –, les écrans ont un impact négatif sur le développement cognitif des enfants.
Nicolas Bérard
* Humanité et numérique, Les liaisons dangereuses, coordonné par Servane Mouton, éd. Les panseurs sociaux, 333 pagesn 25 euros.
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