Le G7 annonce un taux minimal d’imposition des bénéfices des multinationales de 15 %. Quinze pour cent et puis basta ? Le compte n’aura jamais été aussi bon pour elles, le capital et leur avidité de profit. C’est un taux de dumping fiscal, une machine de guerre contre le social et les services publics.
Il y a plus : centrer le débat sur le taux cache l’assiette – le bénéfice imposable. À quoi bon taxer les profits à un taux élevé si une grande partie de ceux-ci échappe à l’impôt ? Car il y a un monde entre ce taux dit « facial » et la part du bénéfice qui est effectivement imposée, le taux dit « effectif ». Le taux facial d’imposition des bénéfices était de 31 % en 2019, mais le taux effectif peut être estimé à 8,6 % ! (On rapporte le produit de l’impôt sur les sociétés donné par la Cour des comptes, 33,5 Md€, à l’excédent brut d’exploitation des banques et sociétés donné par l’Insee, 389 Md€).
Une opération idéologique
Le « bénéfice imposable » constaté dans un pays est profondément mité :
• Chaque pays a des règles qui exonèrent des parties du bénéfice ou le soumettent à un taux plus faible : par exemple, en France les recettes des brevets sont des profits taxés à seulement 10 % en 2019, et l’on retire les intérêts payés par l’entreprise et ses amortissements.
• L’optimisation fiscale et la fraude transfèrent du bénéfice dans des pays à faible fiscalité : elles se font payer à une filiale installée dans ce pays, paradis fiscal, divers droits (redevances, marques, management fees…) par les filiales ayant une activité réelle.
Les transferts au sein d’une même multinationale érodent aussi la valeur ajoutée constatée dans le pays, base de distribution de salaires, cotisations sociales, ou pour développer l’efficacité (investissement, R&D, formation…).
Le G7 construit une opération idéologique : la seule chose à imposer aux multinationales serait de payer leur « juste part de l’impôt » ! Or, même si le travail sur l’assiette engagé par l’OCDE aboutissait, c’est leurs actes, leur comportement (investissements, recherches, production, emploi, écologie, santé, données, technologies, biens communs) qui posent question.
Nos sociétés sont face à un grand défi : comment maîtriser ou, du moins, orienter autrement l’action des multinationales dans nos pays ? Ne nous résignons pas à les laisser quittes de leurs agissements, avec le capital qui les pilote, par un impôt qui serait solde de tous comptes. Entrer dans un bras de fer pour imposer aux multinationales d’autres types de « résultats » est devenu d’une actualité brûlante pour toute la société.
Frédéric Boccara, économiste atterré, chercheur associé Sorbonne Paris-Nord