Parmi toutes les questions qui ont surgi lors de la pandémie du Covid-19, celle des besoins à satisfaire prioritairement est la plus importante, au vu de la crise sociale et écologique que le capitalisme a engendrée. Les Économistes atterrés essaient d’en faire état dans leur livre De quoi avons-nous vraiment besoin ? (Les Liens qui libèrent, 2021). Ce n’est pas un inventaire à la Prévert (se nourrir, se soigner, s’éduquer, se cultiver, se loger…), car, derrière chacun de ces besoins, il y a toujours le travail : le travail pour quoi faire ? Le travail comment ? Le travail pour qui ?
Le travail pour quoi faire ? Tant pour des raisons sociales qu’écologiques, « la fracture », telle que la montre le film de Catherine Corsini, commande de faire un tri sévère au sein de la production de marchandises inutiles ou dangereuses pour consacrer le travail à produire des biens et services de qualité : par exemple, une alimentation à base d’agroécologie, ou des logements décents et bien isolés, ou une industrie reconditionnée au plus près des nécessités locales.
Travail utile et emploi de qualité
Le travail comment ? En donnant du temps aux soignants pour s’occuper des personnes au lieu de courir après la rentabilité voulue par la tarification à l’activité. En donnant du temps aux jeunes pour se former, dès lors qu’une allocation leur est versée. En subordonnant toute réorganisation du travail à la décision de ceux qui travaillent. En soumettant tous les choix d’investissement dans les entreprises à la concertation entre les travailleurs, les usagers et les collectivités territoriales.
Le travail pour qui ? Travail utile et emploi de qualité sont indissociables d’une répartition du travail à accomplir entre tous ceux qui aspirent à s’insérer dans toutes les sphères de la société, dont celle du travail, et ainsi participer au « vivre ensemble ». Pour réduire jusqu’à zéro le chômage sans parier sur une croissance économique insoutenable, la réduction du temps de travail, associée à une garantie de l’emploi, est une voie d’avenir. À la condition de réduire drastiquement les inégalités de revenus, d’abord dans les entreprises et les administrations publiques lors de la répartition primaire, notamment entre femmes et hommes, ensuite par la fiscalité sur les revenus et les patrimoines.
Travailler bien au nom de l’intérêt général serait notre bien commun.
Jean-Marie Harribey, économiste attéré