A Saint-Quentin, dans l’Aisne, un collectif d’habitants, Le germoir des possibles, fait peu à peu revivre un jardin naturel, collectif et convivial. Reportage.
Jovan, 3 ans, se dirige vers un carré de terre travaillé à la grelinette et joue avec sa petite tractopelle jaune. Iris, sa grande sœur de 7 ans, a installé des petits personnages sur un cageot retourné. Elle chantonne, dans sa robe couverte de papillons. Julie, une étudiante : « J’ai apporté une tarte !» Une voix lui répond : « Salée ou sucrée ? Moi, c’est une salade de pâtes. » Après les travaux du matin, le groupe a prévu de pique-niquer au jardin collectif. La journée s’annonce magnifique. Il fait déjà chaud. Un coq décoche son cocorico.
Bénédicte et Antoine, les parents de Jovan et Iris, arrachent les orties. Julie les rejoint. Auparavant, Antoine a arrosé la pépinière de framboisiers : «Parmi nous, beaucoup ont déjà des jardins. On apporte des boutures». Mais ce n’est pas le cas d’Alexandre : «Mon paysage c’est des briques, du béton et du bitume. Alors, le plus important, c’est de me reconnecter au vivant. Sans le vivant, il n’y a pas d’humanité».
Ce père de famille veut que ses enfants puissent grandir en découvrant « qu’on peut faire pousser des choses » et qu’il n’y a pas que le supermarché. Alexandre manie la faux comme un vrai pro. « C’est bien, ça fait pas de bruit ». Les autres l’ont baptisé «le testeur d’outils» : «Dès qu’il y a un nouvel outil, c’est le premier à sauter dessus ! »
Julie participe pour la deuxième fois au jardin collectif. Il a été lancé par l’association Le germoir des possibles, créée à Saint-Quentin, dans l’Aisne, il y a à peine un an. Lors de la bourse aux plantes du mois dernier, organisée par l’association, Julie a apporté des fraisiers, du thym et des hémérocalles. « Je pensais pas que c’était comestible ». Antoine précise qu’il les mange en salade : « ça pousse tout seul ».
Une belle perspective. Julie compte beaucoup sur le jardin « pour mieux manger. On devrait tous jardiner.
Et puis, c’est bon pour la tête et pour le corps».
ça colle avec ce que je veux faire
Ce jardin, situé 22 chemin de la vallée Ducastel, occupe une parcelle privée de 700 m² appartenant à Marcelle, une «amapienne » de la première heure. Sa maison est à deux pas. Jardin familial pendant de nombreuses années, il a été délaissé un certain temps avant d’être réinvesti par la dizaine de personnes motivées pour en faire un jardin collectif. Tous ont en commun l’envie de promouvoir l’agro-écologie, sont curieux d’apprendre les uns des autres et de partager leurs expériences. Loïc, un grand gaillard à la barbe blonde, en parle avec enthousiasme :
Quand j’ai découvert le Germoir des possibles, je me suis dit : ça colle avec ce que je veux faire. Le jardinage naturel. Prendre soin de la terre.
Loïc est devenu le spécialiste du compost. Il a fait une intervention avec un diaporama réalisé par ses soins. Et aussitôt dit, aussitôt fait : des zones de compostage différentes, délimitées par des palettes, permettent de séparer les végétaux des branchettes et des épineux. Loïc apprend seul, par les livres, internet et les expériences sur son terrain. Il a réalisé des buttes en permaculture, des lasagnes (alternance de couches sèches et humides) et une spirale aromatique qui joue sur les niveaux et sur l’exposition au soleil : « la lavande et le thym sont en haut; le basilic et la menthe, en bas.»
Nicole Gellot
Au sommaire du numéro 119 : mai 2017
1 / EDITO : Un petit shoot de progrès ?
1 / Pays basque : les non-violents imposent la paix
3 / Auto-construction à l’école de l’autonomie énergétique
4 / Entretien – Déchets : des élus à la ramasse
5 / Littérature : Voyage dans le futur d’hier
6 / 7 /Reportages en guyane : ruée sur l’or et crise sociale
12 / 13 / Infographie : le calendrier du potager
15 / Les actualités : Paris : Des JO écolo ?
16 / 17 / 18 / La Lorgnette : Dialogue avec la police / Abattoirs : la violence des cadences
21 / Fiche pratique : une fontaine qui rend l’eau potable
Le peuple des jardins
Plaisir de prendre l’air, de voir pousser les futures récoltes, plaisir d’une autonomie retrouvée, plaisir anticipé des papilles… Le jardinage ne connaît pas les classes sociales et les différences d’âge. C’est aussi un formidable outil pour se réapproprier l’espace public, créer du lien, résister, échanger des savoirs, faire germer des projets… Balade des jardins ouvriers aux jardins de la ZAD, en passant par les jardins partagés et d’insertion.