Par Benjamin Coriat, économiste attéré.
Même la très libérale Cour des comptes le dit et le proclame :
« L’investissement dans la transition (énergétique) ne saurait en lui-même passer pour un substitut de la politique industrielle qui demeure indispensable. » (1)
Avant de parvenir à cette conclusion, la Cour passe en revue les multiples dépenses effectuées sans coordination et sans évaluation, pour ne rien dire des allées et venues de la taxation et de la réglementation qui déstabilisent les acteurs de la filière.
Non seulement je partage le point de vue de la Cour des Comptes, mais je pense qu’il faut aller plus loin, et dire haut et fort que sans un nouveau « grand programme » pensé et assumé comme tel, la transition écologique ne se fera pas.
Pourquoi ?
Pour la raison toute simple que l’ampleur et la complexité de la tâche à accomplir ne peuvent résulter du jeu spontané du marché et des acteurs, mêmes s’ils sont aidés et « incités » par des moyens divers.
Réussir la transition écologique et énergétique suppose à la fois, et au minimum :
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de promouvoir vigoureusement la production des énergies renouvelables tout en trouvant les bons équilibres et les bons mix entre hydraulique, solaire, éolien, ou géothermie…
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de programmer sur une décennie ou deux la rénovation thermique des logements et immeubles qui l’exigent (40 % des économies d’énergie en dépendent) en rendant solvables ces opérations.
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d’assurer la transformation progressive des procédés de production pour rendre « soutenables » nombre de secteurs qui ne le sont pas.
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de favoriser chaque fois que faire se peut les circuits courts et les modèles productifs innovants, ceux notamment basés sur l’économie du partage.
Pour ce faire, il faut coordonner une multiplicité et une diversité très grande d’acteurs en s’assurant qu’ils marchent dans la même direction.
Bien sûr, l’initiative « individuelle » et locale doit jouer un grand rôle. Car personne n’imagine une main « visible » capable de tout orchestrer.
Mais à l’inverse, qui peut imaginer que les initiatives nécessaires au succès de la transition pourront se faire sans qu’une activité de coordination tenace, tirant le bilan des succès et des erreurs, soit assurée par un groupe doté des compétences et des capacités d’impulser les choses dans les bonnes directions ?
Voilà pourquoi c’est d’un véritable nouveau « Grand Programme » que nous avons besoin. La France dans le passé a su mettre en place de tels projets.