Si le projet macroniste se concrétise, les précaires seront non seulement précaires mais corvéables à volonté.
Un projet hante la macronie : s’en prendre à ceux qui n’auraient qu’à traverser la rue pour trouver un emploi, qui coûtent un « pognon de dingue ». Après les réformes de l’assurance chômage, qui ont réduit les droits des précaires, c’est le RSA qui est attaqué. Chaque bénéficiaire devrait s’inscrire à Pôle Emploi et avoir une activité de 15 à 20 heures par semaine, sinon son allocation pourrait être réduite de 80 %, puis supprimée.
Ces mesures ont trois buts : faire des économies, obliger les précaires à prendre des emplois dégradés (bas salaires, temps partiels, mauvaises conditions de travail), et désigner des boucs émissaires. Elles s’inscrivent dans la création de France Travail, un monstre technocratique qui chapeauterait tous les organismes s’occupant de l’emploi et du chômage. Son objectif affiché est de se rapprocher du plein-emploi, avec l’idéologie sous-jacente que la cause du chômage n’est pas le manque d’emplois convenables, mais le refus des sans-emploi d’occuper les emplois disponibles.
AUGMENTER LE NON-RECOURS
1,85 million de ménages bénéficient actuellement du RSA. Son montant est de 608 euros par mois pour une personne seule, quand le seuil de pauvreté est à 1280 euros. Le taux de non-recours est estimé à 34 % sur un trimestre, et de 20 % sur trois trimestres. Beaucoup ne le demandent pas par ignorance de leurs droits, par refus d’intrusion dans leur vie, ou y renoncent du fait des difficultés d’obtention. L’obligation d’activité ne pourrait qu’augmenter le non-recours.
L’activation forcée est une proposition peu réaliste et indigne. Va-t-on embaucher le nombre de conseillers nécessaire, estimé à 20.000 ? Où va-t-on trouver les activités requises ? Avec 608 euros par mois, comment les allocataires peuvent-ils trouver les ressources nécessaires (transport…) pour les effectuer ? Certaines ne vont-elles pas se substituer à des emplois salariés ?
La plupart des allocataires cherchent un vrai emploi à temps plein, pas des heures d’activité. D’autres (femmes isolées avec enfants, personnes en mauvaise santé, personnes âgées, personnes sans moyen de transport, …) ne pourront effectuer ces heures d’activité. Qui osera les priver d’un niveau minimal de ressources ?
La réforme nécessaire n’est pas celle-là. Le RSA doit devenir un revenu minimum garanti. Les programmes d’insertion doivent être un droit, pas une obligation. Les personnes dans un parcours d’insertion, les familles avec enfants doivent avoir droit à un RSA majoré (à 900 euros par unité de consommation). Un emploi décent, au SMIC et à temps complet doit être proposé à tout chômeur de longue durée.
Henri Sterdyniak,
Économiste atterré