Javier Milei, qui prétend que le dérèglement climatique est une fable inventée et colportée par les « socialistes », a été investi président de la nation argentine le 10 décembre. C’est terrifiant.
Ses propositions économiques ne laissent aucun doute quant à leurs conséquences. La dévaluation de 50 % du peso annoncée le 12 décembre alimente encore plus spéculation et inflation. L’économie argentine va subir une nouvelle vague de réformes néolibérales, visant à imposer l’austérité budgétaire et à intégrer plus fortement cette économie dans les échanges globaux, financiers ou commerciaux. Ce mouvement pourrait, selon le souhait de Milei, aller jusqu’à la dollarisation, c’est-à-dire à la disparition du peso argentin au profit du dollar états-unien.
Aujourd’hui, l’Argentine souffre d’un fort niveau d’endettement extérieur, libellé en devises, estimé à plus de 60 % de son PIB. Elle devra être en mesure d’obtenir des devises pour faire face aux exigences de ses créanciers, et cela ne pourra passer que par des excédents commerciaux, c’est-à-dire la possibilité pour l’Argentine d’exporter plus qu’elle n’importe. Milei a rappelé qu’il allait très largement réduire les dépenses publiques (estimées à 38 % du PIB, son objectif est de les réduire de 5 % du PIB !), ce qui va générer une effroyable récession aux effets sociaux dévastateurs, dans un pays dans lequel le taux de pauvreté est déjà officiellement supérieur à 45 %.
Renforcement de l’agro-industrie
Cela va certes réduire les importations, mais aussi pénaliser tout le secteur productif (en particulier l’industrie) qui, face à la récession, n’investira pas, subissant simultanément de plein fouet la concurrence internationale.
Cette stratégie va renforcer l’agro-industrie exportatrice, à l’importance déjà démesurée dans la structure productive. Plus de 70 % des exportations de l’Argentine sont liées à ce secteur ! Depuis les années 1990, l’agro-industrie argentine s’est spécialisée dans la production de soja et de ses dérivés, et dans une moindre mesure, dans celles du maïs et du blé, sur un modèle absolument productiviste.
Ces productions mobilisent massivement les OGM et sont extrêmement gourmandes en intrants chimiques, avec des conséquences sanitaires et environnementales largement documentées. En outre, l’accroissement de ces productions entraîne la destruction de la forêt du Gran Chaco, au Nord-est du pays, 2e plus grand biome d’Amérique du Sud après la forêt amazonienne.
Accélérer ces tendances est désastreux : l’Argentine se dirige encore une fois vers une crise monétaire et sociale et alimente la catastrophe écologique.
Jonathan Marie, Économiste atterré