Alors que Macron a lancé des États généraux de l’information, conduits par des personnalités choisies de façon opaque, cent médias, associations et collectifs de journalistes ont organisé les États généraux de la presse indépendante, qui ont débouché sur 59 propositions concrètes.
Macron a lancé le 3 octobre les États généraux de l’information, dont les conclusions sont annoncées pour l’été prochain. « Il conviendra de s’interroger, a écrit l’Élysée, sur l’impact considérable des innovations technologiques, sur le développement de l’éducation aux médias et à l’information, sur les conditions d’exercice du métier de journaliste, sur le modèle économique et la régulation du secteur de l’information et le rôle des différents acteurs, sur les ingérences et les manipulations en ce domaine. » On peut s’étonner que le comité de pilotage nommé pour diriger ces états généraux ne comprenne pas un seul journaliste en exercice en France (lire encadré). Quant à l’indépendance de la presse, elle n’est pas citée comme un enjeu.
La presse indépendante a donc organisé ses propres états généraux. L’initiative est venue du Fonds pour une presse libre, organisme à but non lucratif créé par les cofondateurs et des salariés de Mediapart. Aujourd’hui autonome, ce fonds nourri par des dons soutient la presse indépendante par des prises de capital minoritaires, des subventions, des conseils et accompagnements, ou encore l’organisation d’actions collectives.
Réformer les aides publiques
Cent médias, syndicats, associations et collectifs de journalistes ont rejoint la démarche, et élaboré ensemble 59 propositions autour de quatre grands axes : la concentration des médias, l’actionnariat, le droit des rédactions ; le renforcement du droit à l’information ; la lutte contre la précarisation des journalistes ; la réforme des aides publiques à la presse. Parmi ces propositions figure l’idée de doter les équipes rédactionnelles d’une personnalité juridique, avec la possibilité de s’opposer à un actionnaire, un annonceur ou à la direction du média. Les aides publiques seraient « fléchées exclusivement vers les médias indépendants, c’est-à-dire des médias contrôlés par leurs équipes ou n’étant pas la propriété d’un groupe dont l’activité principale n’est pas l’information ». La notion de secret des affaires serait précisée pour ne plus servir de prétexte à bâillonner les journalistes, de même que les exceptions au secret des sources. D’autres propositions se penchent sur le respect du droit du travail dans les entreprises de presse, la situation des pigistes (journalistes indépendants salariés à l’article) et des correspondants à l’étranger.
Un statut d’intermittent pour les journalistes ?
Présentées à Paris le 30 novembre, ces 59 propositions ont été envoyées aux parlementaires. Elles vont être soumises aux États généraux officiels, au gouvernement, et surtout aux citoyen·nes dans différentes villes de France. « La liberté de l’information n’est pas une question corporatiste de journalistes parlant entre eux. C’est le droit fondamental de chacune et chacun de pouvoir accéder à une information indépendante, pluraliste et de qualité. C’est pour cela que nous vous demandons d’agir, de faire connaître ces propositions, de les transmettre à vos ami·es et proches mais aussi à vos élus locaux, régionaux, et à vos parlementaires », écrit le Fonds pour la presse libre.* Les propositions ne sont pas figées, et toutes ne font pas l’unanimité. Certaines demandent à être retravaillées.
L’âge de faire a rejoint cette démarche collective. Nous avons surtout participé à travers le Syndicat de la presse pas pareille, que nous avons contribué à créer, et qui cherche à faire reconnaître l’existence des « petits » médias alternatifs. Ce syndicat a défendu une proposition consistant à créer un statut d’intermittence des journalistes, inspiré de celui dont bénéficient les artistes. Cela permettrait de sécuriser les revenus des pigistes, de favoriser les enquêtes menées sur un temps long, et de reconnaître le travail de journalistes qui interviennent aujourd’hui de façon bénévole ou presque, parce que leurs médias n’ont pas assez de solidité financière pour les rémunérer. Cette proposition n’a pas fait l’unanimité, mais figure parmi les questions à creuser.
Lisa Giachino
* « 59 propositions pour libérer l’info », sur fondspresselibre.org
Merci à Claire Robert pour l’illustration !