L’âge de faire est signataire de la tribune d’un nouveau collectif, le Collectif unitaire anti-autoritaire, constitué pour lutter contre la logique techno-sécuritaire : loi « sécurité globale », développement de la reconnaissance faciale, passe sanitaire… même logique, même combat !
« Nous sommes nombreux·ses à nous être impliqué·e·s dans la lutte contre la loi « Sécurité globale » fin 2020 et à avoir rejoint le « printemps des libertés » en mars 2021 pour dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux et l’avalanche de lois sécuritaires comme les lois « Renseignement ». C’est pour les mêmes raisons que nous dénonçons l’instauration et la prolongation du passe sanitaire depuis juillet 2021 et aujourd’hui le passe vaccinal.
Renforcement de la Technopolice, escalade sécuritaire et atteinte aux libertés
Comme tout dispositif sécuritaire les passes se cumulent : le passe vaccinal se rajoute au passe sanitaire toujours en vigueur, notamment pour les 12-15 ans et dans certaines situations comme l’accès aux hôpitaux.
La société du passe pose de graves problèmes sociétaux. Le tout sécuritaire et le tout numérique sont devenus des moyens généralisés de contrôle et de répression de la population. Nous assistons au renforcement de la technopolice. Se met en place un système global de surveillance privatif de droits et intrusif dans nos faits et gestes pouvant se pérenniser au-delà de la question sanitaire1.
Nous sommes face à une escalade techno-sécuritaire sans limites dans tous les aspects de la vie. L’installation de caméras à reconnaissance faciale dans les gares par la région Auvergne-Rhône-Alpes, récemment la loi « Drones 2 »… Demain, quels autres dispositifs seront accélérés et mis en place par l’État ?
Ce renforcement du contrôle de la population s’opère en même temps que le gouvernement s’octroie un pouvoir de plus en plus accru grâce aux régimes d’états d’urgence successifs. Ceci entraîne un déséquilibre des pouvoirs, néfaste pour la démocratie et en défaveur des libertés et de nos droits.
La prolongation du passe par la loi « vigilance sanitaire » puis sa transformation en passe vaccinal, le 24 janvier 2022, atteste du phénomène d’accoutumance et d’acceptabilité sociale dans la durée. Elle criminalise encore plus la population, banalise la levée du secret médical et divise la population.
La passe sanitaire amplifie l’utilisation du numérique comme outil de contrôle et généralise la technologie du QR code dans tous les domaines. Qu’il soit sanitaire ou vaccinal, il délègue à tout un⸱e chacun⸱e un pouvoir de contrôle jusque-là réservé à la police.
Services publics et hôpitaux encore plus fragilisés
La société du passe met aussi à mal l’accès aux soins et fragilise les hôpitaux : 15 000 personnes suspendues de leurs postes à l’hôpital en octobre 20212, 1300 démissions ces dernières années3, 20 % des lits fermés cet automne4, refus de consultations aux patient⸱e⸱s non vacciné⸱e⸱s. Cette poursuite de la destruction des services publics creuse davantage les inégalités d’accès aux soins. Entre fermetures de lits, suppressions d’hôpitaux, manque de personnel, logique austéritaire non remise en cause par la crise sanitaire, le système de santé malmène les hospitalier⸱e⸱s. Il ne tient plus qu’à un fil5 !
Chantage économique et mesures antisociales
Nous assistons à une attaque aussi importante que celle de la loi Travail par ses mesures anti-sociales. Elle implique pour la première fois un « chantage-emploi-contre-bonne-conduite-citoyenne ». Ce chantage économique ignoble provoque déjà de la discrimination à l’embauche, de multiples licenciements, démissions ou mises à pied dans le secteur de la santé mais aussi dans la restauration, l’hôtellerie, le spectacle… Ce chantage pourrait être le début de bien d’autres. Des entreprises font même du zèle en toute impunité6.
Ces mesures arrivent alors que le gouvernement a fait passer en force la réforme de l’assurance chômage fin 2021 dans l’objectif de faire des économies sur le dos des chômeur⸱euse⸱s et d’affaiblir toujours plus la protection sociale.
Des milliers de salarié⸱e⸱s sont actuellement en souffrance et en précarité.
Plus que jamais iels ont besoin du soutien des organisations syndicales et de solidarité quel que soit leur état de santé. Les secteurs de l’événementiel, de la culture, du spectacle ont repris leurs activités avec un dilemme impossible à résoudre : ouvrir avec un passe sanitaire hier, aujourd’hui avec un passe vaccinal ou mettre la clef sous la porte.
Mépris, exclusion et surveillance
La société du passe, instaurée par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, est renforcée par le passage en force du passe vaccinal dans un contexte de mépris total. Un président et son gouvernement “emmerdent” une partie de la population en fonction de son statut vaccinal. Ce sont les mêmes qui ont mutilé en milieu de mandat les Gilets Jaunes. Dans les deux cas sont sanctionnées la désobéissance et la contestation.
Ce coup médiatique vise aussi à détourner l’attention, à la veille de la présidentielle, du bilan social et climatique désastreux du gouvernement. Au lieu de s’attaquer aux facteurs causant les pandémies (modes de production industriels, élevage intensif, déforestation…) et de remettre en cause le système capitaliste, il est plus facile de stigmatiser et nommer des boucs émissaires dans leur « monde d’après ».
Bien des principes sont bafoués. Dans la logique des politiques néolibérales, le principe d’égalité fait l’objet d’une menace sans précédent : depuis août 2021, l’accès à l’espace public, aux services publics ou à certaines professions sont soumis à des critères décrétés par l’État.
Le passe sanitaire ou vaccinal permet de contrôler en permanence une partie de la population par la technologie du QR code tandis qu’une autre partie de la population subit une exclusion sociale et professionnelle. Même les plus jeunes en sont victimes puisque dans le secteur de l’éducation, les plus de 12 ans non vacciné⸱e⸱s sont privé⸱e⸱s de bibliothèque et de sorties scolaires. Le passe vaccinal quant à lui instaure une majorité vaccinale à 16 ans, confisquant l’autorité parentale des 16-17 ans : sur quelle base se fonde cette mise sous tutelle ?
La transformation du passe sanitaire en passe vaccinal exclut définitivement la population non-vaccinée ou partiellement vaccinée. La population vaccinée, quant à elle, se voit imposer la continuité d’un contrôle numérique permanent.
Pourtant les objectifs initiaux du gouvernement ont largement été atteints (90 % de la population est vaccinée selon la dernière allocution présidentielle). Pourtant le contexte sanitaire s’est largement amélioré avec un nouveau variant peu létal. Pourtant de nombreux pays lèvent les restrictions jusqu’au passe sanitaire ou vaccinal. À qui profite ce clivage et cette mise sous contrôle de la société ?
Apporter une réponse populaire à la fois à la dérive autoritaire du gouvernement ET à la récupération de la colère par l’extrême-droite
Face à ces attaques constituant une accélération du contrôle de masse, il est urgent de créer des espaces pour échanger, pour créer une entraide des salarié⸱e⸱s ou usager⸱e⸱s en difficultés. Il est aussi vital de combattre et d’analyser les raisons de l’emprise de l’extrême droite sur cette question au niveau médiatique, sur les réseaux sociaux ou dans certaines manifestations.
A Lyon, partout en France et même en Europe, la situation devient manichéenne : aux yeux de la société, soit vous adoptez la doxa étatique, acceptant les passes successifs et faisant peser la responsabilité de l’épidémie sur vos concitoyen⸱ne⸱s non-vacciné⸱e⸱s, soit vous rejoignez les adeptes de théories “anti-masques-anti-vaccins” voire négationnistes de l’épidémie, qui forment une nébuleuse dans laquelle gravitent des mouvements tels que les Patriotes, les ultra-catholiques de Civitas et autres identitaires.
En englobant tous ses adversaires dans la sphère « anti-vax conspirationniste d’extrême-droite » l’État est parvenu à faire déserter la rue aux collectifs, associations et autres corps constitués qui luttent habituellement contre lui, craignant d’être associés à des mouvements fascisants.
Il nous faut aujourd’hui apporter une réponse populaire à la fois à la dérive autoritaire du gouvernement ET à la récupération de la colère par l’extrême-droite.
Des assemblées de lutte se sont constituées notamment à Lyon réunissant de nombreuses personnes vaccinées comme non vaccinées ébranlées dans leur conception d’une société solidaire et démocratique mais aussi dans leur vie quotidienne.
Nous appelons toutes les forces œuvrant pour la justice sociale et environnementale, en dehors de toute récupération politique en particulier celle de l’extrême-droite, à nous rejoindre.
Concrètement, nous lançons un appel à construire un cadre unitaire large à la hauteur des enjeux, à rendre visible un front solidaire et offensif dans la rue, à multiplier les assemblées :
– Pour résister et lutter contre les mesures de contrôles et anti-sociales découlant de l’obligation vaccinale à travers le passe sanitaire et le passe vaccinal en vigueur jusqu’au 31/07/2022
– Pour défendre les services publics et la protection sociale pour toutes et tous
– Pour sortir de l‘état d’urgence permanent et renouer avec le débat démocratique
– Pour faire barrage à l’idéologie de l’extrême droite dans un contexte de récupération
– Pour échanger sur la nécessité d’un autre choix de société, solidaire et protecteur, pour le vivant et la planète
Pour signer la tribune en tant que collectif :
collectif.unitaire.anti-autoritaire.lyon@protonmail.com
Premiers signataires : Assemblée en lutte contre le passe sanitaire et vaccinal Lyon/Oullins1, CNNR Lyon, Occupons 69, Assemblée Gilets Jaunes Lyon & Environs, Stop 5G Lyon, Ecran Total RA, Extinction Rebellion Lyon, L’âge de faire, Association des Victimes des Crimes Sécuritaires, Lyon Insurrection, Street-medics 69, Temps qu’on sème, Fakir Lyon et environs.
2 https://basta.media/Soignants-non-vaccines-suspendus-manque-de-personnel-suppression-de-lits-hopital-public
3 https://www.ladepeche.fr/2021/10/28/hopital-1300-infirmieres-ont-demissionne-de-leurs-fonctions-en-france-9896201.php
4 https://www.liberation.fr/societe/sante/hopital-public-20-de-lits-fermes-faute-de-soignants-20211026_VG7R2S3SXRGCRAPLRXCTYEVYAY/