La crise Covid de 2020-21 a montré la nécessité de politiques budgétaires actives. Le déficit public des pays de la zone euro s’est creusé de 7 points de PIB en 2020, à la fois du fait de la baisse des recettes publiques induites par la chute du PIB et des mesures discrétionnaires d’aide aux ménages et aux entreprises. Après la crise sanitaire, les dettes publiques des pays de la zone s’établiront en moyenne à 96 % du PIB.
La création de la monnaie unique s’est accompagnée de contraintes lourdes sur les politiques budgétaires des pays membres ; leurs déficits publics ne doivent pas dépasser 3 % du PIB et doivent tendre vers 0,5 % du PIB ; leurs dettes publiques ne doivent pas dépasser 60 % du PIB. Ces règles, sans fondement économique, ont obligé les États membres à pratiquer des politiques restrictives en 2011-2014, qui ont prolongé la crise financière. En même temps, les dettes publiques ne sont pas garanties par la BCE, ce qui a provoqué la crise de la dette publique des pays du Sud. Ces règles sont soutenues par les classes dirigeantes, qui y voient un moyen d’imposer la baisse des dépenses sociales et d’empêcher tout tournant de politique économique. Elles ont été suspendues pendant la crise et leur réforme devrait être discutée en 2022. Leur remise en place telle qu’elle imposerait un choc restrictif brutal dans la zone euro.
Politiques budgétaires nationales sous tutelle
Les institutions européennes plaident maintenant pour une règle de contrôle des dépenses publiques : leur croissance devrait être toujours inférieure à celle du PIB nominal, de façon à faire converger le ratio « dette publique/PIB » vers 60 %. La mise en œuvre de cette règle serait contrôlée par la Commission et des Comités budgétaires nationaux, composés d’experts prétendus indépendants (en France, sous l’égide de la Cour des Comptes). Cette réforme maintiendrait les politiques budgétaires nationales sous tutelle. Et elle imposerait une longue période d’austérité budgétaire pour la France dont la dette est aujourd’hui de 114 % du PIB, alors que la priorité est d’investir massivement pour la transition écologique.
La France doit trouver des alliés en Europe pour réclamer que les dettes publiques des pays membres soient clairement garantis par la BCE, que les pays puissent pratiquer des politiques budgétaires autonomes, puissent financer les investissements publics nécessaires. Un pays ne doit être incité à changer de politique économique que si elle nuit effectivement aux autres pays membres. Dans ce cadre, il faut rappeler que les politiques de compression de la demande intérieure et de recherche de compétitivité par le dumping salarial sont les plus nuisibles qu’il soit.
Henri Sterdyniak, économiste atterré