L’économiste atterré Gilles Rotillon explique pourquoi les nouvelles technologies ne permettront pas de sauver le capitalisme, comme ont pu le faire d’autres inventions à d’autres époques.
Le capitalisme a-t-il atteint ses limites ? La tendance longue de la baisse des gains de productivité, limitant la rentabilité des capitaux cherchant à s’investir, semble aller dans ce sens. Pour pallier cette baisse de rentabilité, le capital n’a que deux solutions.
L’une, c’est la financiarisation croissante de l’économie, offrant une rentabilité à court terme plus élevée, mais au risque de crises financières comme on en a vécu ces trente dernières années.
L’autre, qui n’est pas à opposer à la première, c’est l’extension du rapport social capitaliste dans des secteurs où il restait limité, voire absent. Cette extension peut d’abord être géographique, mais elle est aujourd’hui limitée. L’Afrique qui est le dernier territoire où le développement du capitalisme reste incomplet, ce qui en fait le lieu de toutes les convoitises des pays développés et l’arène privilégiée de l’affrontement entre la Chine et les États-unis qui représentent deux formes différentes de capitalisme. Mais l’extension du capitalisme peut surtout reposer sur l’innovation technologique, permettant de soumettre à l’emprise du capital des secteurs qui lui échappaient jusqu’alors.
UN MONDE SATURÉ DE TECHNOLOGIES
Trois secteurs sont particulièrement importants :
– Les loisirs, qui jusqu’ici ne contribuaient pas à la création de valeur pour le capital, se déroulant dans un temps par définition non dédié à la production.
– Le vivant, avec le brevetage des gènes et l’apparition des pandémies qui fait de l’industrie pharmaceutique productrice de vaccins un acteur majeur.
– Les données personnelles, grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (les NTIC) et au développement des réseaux dits sociaux. Mais croire que la technologie permettra toujours de relancer la croissance, c’est ne pas voir que si elle règle des problèmes, c’est en en créant des nouveaux.
C’est ce que montre notre monde actuel, saturé de technologies de pointe dans tous les domaines, qui est aussi celui des grands dérèglements du climat, de la diminution de la biodiversité, de l’épuisement des ressources, des pollutions multiples et de la perte de sens du travail dans de nombreux domaines. Dès lors, croire que les nouvelles technologies joueront le rôle qu’ont joué en leur temps le métier à tisser, l’électrification, le rail ou l’automobile, c’est ne pas comprendre la quadruple nature, économique, sociale, écologique et anthropologique qui caractérise aujourd’hui la crise du capitalisme.
Gilles Rotillon,
Économiste atterré